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fin de roman

rade qui habitait dans une maison de chambres l’avait amené chez lui. Et l’occasion se présentant, il l’avait présenté à un voisin, homme de race étrangère, près du double de leur âge. En causant, ce dernier leur avait déclaré : Moi, je me mêle de mes affaires, uniquement de mes affaires. Celles des autres ne m’intéressent en aucune façon. Ainsi, j’entrerais dans un restaurant et je reconnaîtrais par sa photographie publiée dans les journaux un meurtrier recherché par la police, croyez-vous que je courrais au téléphone pour en informer la justice ? Sûrement que non. Je m’installerais à une table et je prendrais tranquillement mon repas. Et je verrais deux évadés du pénitencier sauter dans un auto arrêté au bord du trottoir et s’enfuir à toute vitesse, vous imaginez-vous que je noterais le numéro de la voiture et me hâterais de le communiquer au premier policier rencontré ? Erreur, grande erreur, mes amis. Ces choses là ne me regardent pas. Moi, je me mêle de mes affaires. Ça, c’est mon principe et c’est un bon principe. Puis, je vais vous dire, pour moi, le délateur est l’être le plus vil, le plus ignoble, le plus méprisable qui soit. Se mêler de ses affaires, c’est la meilleure chose à faire dans la vie.

Le visiteur avait été fortement impressionné par ces paroles et elles avaient eu une grande influence sur sa vie. Tout de suite, il s’était rendu compte que ce personnage avait vu des pays, rencontré toutes sortes de gens et que ses remarques étaient le fruit de l’expérience. Jamais par la suite, il n’avait revu cet absolu partisan de l’individualisme.

Parfois ainsi, au hasard des jours et des heures, il vous revient des souvenirs.

Ce dimanche-là, à la fin de la journée, l’homme après avoir remisé sa chaloupe pour la semaine, se dirigea d’un pas lent vers la station de l’autobus qui devait le ramener