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mettant pas la moindre discussion, ne souffrant pas la plus petite remarque. Peu de temps après son mariage, il avait commencé à faire de fréquentes excursions en dehors du domaine conjugal, habitude qui avait duré jusqu’à quelques années avant sa mort.

Sa femme était vite devenue au courant de ses multiples infidélités, car il ne se cachait nullement pour la tromper. Bafouée, ridiculisée, cruellement déçue dans toutes ses aspirations, l’épouse qui possédait une âme tendre et un cœur sensible, avait enduré son malheur et ses humiliations avec une patience, qu’à force d’efforts, elle réussissait à trouver.

Elle savait que le mal était sans remède, qu’il n’y avait qu’à accepter son sort. Alors, elle s’était efforcée de se consoler en prenant soin de ses deux fillettes, mais elle avait été infiniment malheureuse pendant toutes ces années. Elle s’était rongé le cœur avec sa peine secrète, car elle ne se plaignait à personne. Jamais elle n’avait fait de confidences à qui que ce soit, jamais elle ne s’était ouverte à une parente, à une amie, pour se soulager. Elle refoulait sa peine en elle-même. Pas de soupape de sûreté. Cela, c’était mauvais, car ce mal caché affectait lentement son cerveau.

Au point de vue matériel, elle n’avait cependant été privée de rien, car son mari pourvoyait régulièrement et convenablement aux besoins de la maison. La pauvre femme avait toutefois manqué de l’affection qu’elle était en droit d’attendre de son compagnon, de la bienveillance, de la joie d’un ménage uni et bien assorti.

La délivrance vint un jour, lorsque M. Lebrun fut emporté en quelques heures par une congestion cérébrale. Son départ fut un soulagement pour sa femme, mais ce fut là une sensation passagère, car le mal qui remontait à de