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rer qu’elles, on voit très bien peut-être ; on ne sait même pas ce qu’on a regardé.

C’est par une espèce de paresse intellectuelle, et pour n’avoir pas besoin d’étudier le reste, qu’on se renferme aujourd’hui dans les limites d’une science spéciale. Je voudrais qu’on modifiât un peu cette formule et qu’on se consacrât à une science spéciale le jour seulement où on n’a plus besoin d’étudier toutes les autres. Nous mettrions ainsi plus de temps à acquérir la science : nous en mettrions moins peut-être à la faire avancer.

Je ne médirai pas de la science de notre temps. Elle a beaucoup fait pour notre commodité. L’industrie et les arts lui doivent une éternelle reconnaissance. Si elle ne nous surprend plus par ses inventions merveilleuses, c’est qu’elle a lassé notre admiration. Beaucoup de bons esprits s’étonnent pourtant que la science paraisse de plus en plus abandonner la théorie pour la pratique, qu’on s’occupe plutôt des conséquences que des principes, et qu’au milieu d’une si grande abondance d’inventions il y ait si peu de découvertes. Ils sont d’ailleurs assez difficiles pour ne pas se contenter de