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pas une vérité particulière quand on n’a pas aperçu les rapports qu’elle peut avoir avec les autres. Connaissez-vous un édifice quand on vous en a montré, d’avance, toutes les pierres ? Et pourtant il n’y a que des pierres dans l’édifice. C’est que tout l’art est dans l’arrangement, et que l’important n’est pas de connaître la pierre, mais la place qu’elle occupera. Vous avez tous manié un microscope, et vous avez pu voir, dans la boîte qui le contient, ces plaques de verre qui renferment une préparation anatomique. Prenez l’une d’elles, placez-la sous l’objectif et regardez à travers l’instrument. Vous apercevez un tube, divisé en compartiments : faites glisser la plaque ; aux cellules succèdent les cellules, vous avez distingué admirablement chacune d’elles. Mais quel était l’objet, et qu’avez-vous vu ? Vous serez bien obligés, si vous voulez le savoir, de laisser là votre instrument, et de contempler à l’œil nu, dans sa totalité repoussante, la patte d’araignée. C’est pour regarder la vérité au microscope qu’on l’a, elle aussi, décomposée : si l’on ne commence par jeter un coup d’œil sur l’ensemble, si l’on se transporte tout de suite aux parties pour ne considé-