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Bacon et Leibnitz se préoccupaient, tout comme le congrès de Grenoble, et pour les mêmes motifs, d’une langue universelle. Cela eût été, de leur part, une bien grande preuve de naïveté, car cette langue scientifique internationale, ils la possédaient ; c’était le latin ; et ils en usèrent, car la majeure partie de leurs ouvrages est écrite en latin. La chimère qu’ils poursuivaient, sans fièvre et plutôt par amusement, était bien différente. Croyant, surtout Descartes et Leibnitz, à l’unité psychologique absolue de tous les hommes, ils rêvaient d’une langue unique, rigide et mathématique, d’un algèbre verbal. Et si c’est une chimère, elle n’est pas déraisonnable ; elle l’est, en tout cas, beaucoup moins que celle du congrès de Grenoble.

Dans toutes les branches de la science, il se publie quotidiennement, en toutes les langues de l’Europe, des notes et des observations souvent, paraît-il, d’un haut intérêt. Il ne suffit plus, pour un biologiste, de savoir à peu près lire les trois ou quatre grandes langues de l’Europe, il lui faut connaître aussi le russe, le suédois, le hongrois et le reste. C’est beaucoup. On conçoit donc le dépit d’un savant qui se trouve dans cette alternative : ou perdre la moitié de sa vie à apprendre des langages hétéroclites, ou se résigner à ignorer des travaux importants.

Cette alternative n’est peut-être pas aussi rigoureuse qu’on le pense ; mais enfin, admettons-la, et voyons quelle utilité il y aurait pour la science et pour le public