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INTRODUCTION AUX LIVRES DES ROIS.


vains en prose de l’âge d’or de la littérature hébraïque. Il tient parmi les prosateurs le même rang qu’Isaïe et Joël parmi les prophètes. Il n’a point les archaïsmes du Pentateuque, mais il y a cependant moins de différence entre Moïse et lui qu’entre le poëte Lucain et Virgile ; il n’a pas non plus ce qu’on a appelé les provincialismes de l’auteur des Juges, qu’on a supposé avoir vécu dans le nord de la Palestine ; il est supérieur à l’auteur des Paralipomènes, qui appartient à l’âge d’argent, et aussi à l’auteur des troisième et quatrième livres des Rois, chez qui l’on trouve un certain nombre de chaldaïsmes, tandis qu’on n’a pu en découvrir plus de six dans les deux livres de Samuel. Il y a quelques expressions qui lui sont propres ; il est le premier qui appelle Dieu : « Le Seigneur des armées » ou Jéhovah Sabaoth ; mais cette dénomination devient très fréquente à partir de cette époque, et on la retrouve dans les deux derniers livres des Rois, comme dans les autres écrivains de la même époque.

Du reste, l’auteur des livres de Samuel n’est pas nommé dans la Sainte Écriture, non plus que dans Josèphe et la Mischna. La Ghemara de Babylone, la première, et par suite, plusieurs Pères, les attribuent à Samuel, quoiqu’on y lise le récit d’événements postérieurs à la mort de ce prophète. Parmi les Juifs et les modernes, quelques-uns ont cru que Samuel était l’auteur des vingt-quatre premiers chapitres du premier livre et que le reste avait été composé par les prophètes Gad et Nathan ; d’autres critiques en ont attribué la composition, les uns à David, les autres à Isaïe, Jérémie, Ézéchias ou Esdras. Cependant toutes ces hypothèses ne reposent sur aucun fondement solide : nous ignorons quel en est l’auteur, et tout ce qu’il est permis d’affirmer, c’est qu’ils ont été très probablement rédigés peu de temps après la mort de Salomon.

Les IIIe et IVe livres des Rois, n’en forment réellement qu’un, partagé en deux par les Septante et par la Vulgate. Ils contiennent l’histoire de 427 ans, selon la chronologie ordinairement reçue, c’est-à-dire depuis l’avènement de Salomon, en 1015, jusqu’à la destruction du temple, en 588. On leur a donné le nom de livres des Rois, parce qu’ils s’occupent principalement de l’histoire des rois depuis la mort de David jusqu’à la captivité. Ils se partagent en trois sections : 1o règne de Salomon, III Rois, i-xi (1015-975) ; 2o histoire des royaumes séparés de Juda et d’Israël, III Rois, xii-IV Rois, xvii (975-721) ; 3o histoire du royaume de Juda depuis la ruine du royaume d’Israël jusqu’à la captivité de Babylone, IV Rois, xviii-xxv (721-588). Ils commencent là où s’arrêtent les deux livres de Samuel, mais ils forment une œuvre indépendante et complète, comme le prouvent l’unité du plan, la manière particulière de présenter les faits et le style propre de l’écrivain.

Ils nous montrent tour à tour les rois fidèles à Dieu récompensés de leur fidélité et les infidèles punis de leurs péchés, mais non rejetés comme Saül. Les fautes de Salomon sont châtiées en la personne de son fils Roboam qui perd dix tribus, mais conserve Jérusalem et la tribu de Juda. Les successeurs de Roboam portent aussi le poids de leurs iniquités ou sont protégés par le Seigneur, selon qu’ils le méritent. Israël expie par la déportation son incurable idolâtrie ; Juda satisfait à la vengeance divine par la captivité de Babylone.

Pour faire ressortir l’intervention de la Providence dans le gouvernement de son peuple, l’auteur des derniers livres des Rois fait surtout des extraits d’ouvrages antérieurs plus développés, mais en les coordonnant et les disposant selon le plan qu’il s’était tracé, de manière à faire une œuvre pleine d’unité.