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[ch. iii.]
LA GENÈSE.


rusé de tous les animaux de la terre qu’avait faits le Seigneur. Il dit à la femme : Pourquoi Dieu vous a-t-il commandé de ne pas manger du fruit de tous les arbres du paradis ?

2. La femme lui répondit : Nous mangeons du fruit des arbres qui sont dans le paradis :[1]

3. Mais pour le fruit de l’arbre qui est au milieu du paradis, Dieu nous a commandé de n’en point manger, et de n’y point toucher, de peur que nous ne mourions.

4. Mais le serpent dit à la femme : Point du tout, vous ne mourrez pas de mort.[2]

5. Car Dieu sait qu’en quelque jour que ce soit que vous en mangiez, vos yeux s’ouvriront ; et vous serez comme des dieux, sachant le bien et le mal.

6. La femme donc vit que le [3]

    suet. Un serpent parle, une femme écoute ; un homme si parfait et si éclairé se laisse entraîner à une tentation grossière ; tout le genre humain tombe avec lui dans le péché et dans la mort : tout cela paraît insensé. Mais c’est ici que commence la vérité de cette sublime sentence de S. Paul : Ce qui est en Dieu une folie apparente est plus sage que la sagesse des hommes… Ne regardons pas [la finesse du serpent] comme la finesse d’un animal sans raison, mais comme la finesse du diable, qui, par une permission divine, était entré dans le corps de cet animal. Comme Dieu paraissait à l’homme sous une forme sensible, il en était de même des anges… Il était juste, l’homme étant composé de corps et d’âme, que Dieu se fît connaître à lui selon l’un et l’autre, selon le sens comme selon l’esprit. Il en était de même des anges, qui conversaient avec l’homme, en telle forme que Dieu permettait et sous la figure des animaux. Ève ne fut donc point surprise d’entendre parler un serpent, comme elle ne le fut pas de voir Dieu même paraître sous une forme sensible. » ― Pourquoi ? « Le tentateur procède par interrogation et tâche d’abord de produire un doute. La première faute d’Ève, c’est de l’avoir écouté et d’être entrée avec lui en raisonnement. La première faute de ceux qui errent, c’est de douter. » (Bossuet.)

  1. Gn. 3,2 : Nous mangeons, etc. « Telle fut la réponse d’Ève, où il n’y a rien que de véritable, puisqu’elle ne fait que répéter le commandement du Seigneur. Il ne s’agit donc pas de bien répondre ou de dire de bonnes choses, mais de les dire à propos. Ève eut dû ne point parler du tout au tentateur, qui lui venait demander des raisons d’un commandement où il n’y avait qu’à obéir et non point à raisonner. » (Bossuet.)
  2. Gn. 3,4 : Voir 2 Corinthiens, 11, 3. ― Vous ne mourrez pas de mort. Voir note 2.17. ― Le serpent « vit qu’Ève était éblouie de la nouveauté et que déjà elle entrait dans le doute qu’il lui voulait suggérer, il ne garde plus de mesures ; il flatte l’orgueil, il pique et excite la curiosité. L’orgueil entra avec ces paroles : Vous serez comme des dieux. Celles-ci : Vous saurez le bien et le mal, excitèrent la curiosité. » (Bossuet.)
  3. Gn. 3,6 : Voir Ecclésiastique, 25, 33 ;1 Timothée, 2, 14. ― La femme vit… « Ève commence à regarder ce fruit défendu et c’est un commencement de désobéissance. C’est vouloir être réduite que de se rendre si attentive à la beauté et au goût de ce qui lui avait été interdit. La voilà donc occupée des beautés de cet objet défendu et comme convaincue que Dieu était trop sévère de leur défendre l’usage d’une chose si belle, sans songer que le péché ne consiste pas à user des choses mauvaises par leur nature, puisque Dieu n’en avait point fait ni n’en pouvait faire de telles, mais à mal user des bonnes. Ces regards attentifs sur l’agrément et sur le bon goût de ce beau fruit firent entrer jusque dans la moelle des os l’amour du plaisir des sens. » ― Et en donna à son mari. « Le serpent ne poussa pas plus loin la tentation du dehors ; et content d’avoir bien instruit et persuadé son ambassadeur, il laissa faire le reste à Ève séduite. Il lui avait parlé non seulement pour elle, mais encore pour son mari. Le démon ne se trompa pas en croyant que sa parole portée par Ève à Adam aurait plus d’effet que s’il la lui eût portée lui-même. (Adam) céda plutôt à Ève par complaisance que convaincu par