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APPENDICE.


Aussie ces deux espèces de péchés sont-elles considérées dans les Psaumes et dans les prophètes comme celles qui résument tous les autres, tandis que la justice, opposée à la violence qui opprime, et la sincérité ou la fuite du mensonge sont regardées comme la perfection, Ps. xiv, etc. La lumière du jour, grâce à laquelle on est en sécurité, est l’emblème du bien ; les 'ténèbres de la nuit, pendant lesquelles le méchant peut nuire plus aisément, sont le symbole du mal. L’eau qui rafraîchit, la source qui fertilise le sol qu’elle arrose, l’arbre et l’ombre qui reposent, dans ces pays brûlés par le soleil, sont l’image du bonheur et de la joie ; la sécheresse, l’aridité du désert, celle de l’affliction et de la souffrance.

Mais, dans toutes les langues, la poésie ne se distingue pas seulement de la prose par le style, elle s’en distingue aussi par la forme. A ce langage divin il faut un rythme, une cadence particulière, je ne sais quelle harmonieuse symétrie qui rende mieux que le terre à terre de la langue vulgaire les sentiments dont déborde l’âme, transportée par l’enthousiasme dans une région supérieure et voulant exprimer par une manière de parler extraordinaire des idées et des émotions qui ne sont pas communes. De là des règles plus ou moins difficiles auxquelles s’astreint le poète, un moule artificiel dans lequel il doit couler sa pensée.

Si le fond du style est le même chez tous les poètes, la forme de la poésie n’est pas semblable chez les différents peuples : elle varie selon le génie des langues et de ceux qui les parlent. Le vers grec et latin est mesuré par la quantité des syllabes qui le composent ; le vers français est essentiellement constitué par le nombre des syllabes et par la rime. Chez les Hébreux, nous ne rencontrons pas la rime ; d’après plusieurs orientalistes, on y trouve une certaine mesure prosodique ; mais, de l’avis de tous, ce qui distingue particulièrement la poésie hébraïque et lui donne une physionomie propre, tout à fait distincte de celle de la poésie des langues occidentales, c’est le parallélisme.

II. Du parallélisme.

C’est Lowth qui, le premier, dans ses Leçons sur la poésie sacrée des Hébreux, publiées en 1753 à Oxford, où il était professeur, a établi l’existence du parallélisme dans la poésie hébraïque. Il n’avait pas été soupçonné par les anciens ; du moins ne l’ont-ils pas signalé en tant que mécanisme poétique, et n’en ont-ils tiré aucun parti pour l’interprétation de l’Ecriture.

Lowth définit le parallélisme la correspondance d’un vers avec un autre. Il l’appelle le parallélisme des membres, parce que la répétition de deux ou trois membres parallèles est un des caractères constitutifs de la poésie hébraïque, où il n’y a jamais de vers isolé. C’est une sorte de rime de la pensée, une symétrie de l’idée, exprimée ordinairement deux fois, ou quelquefois trois, en termes différents, tantôt synonymes, tantôt opposés.

Langue Cœur
du-juste des-méchants
argent choisi sans valeur. Prov., x, 20.

On a comparé le parallélisme au balancement d’une fronde ; on pourrait le comparer peut-être plus justement au mouvement d’un balancier qui va et revient sur lui-même. Ces répétitions de la même pensée décèlent un trait du caractère oriental qui est plus lent que vif, qui n’a jamais attaché au temps la même valeur que nous, et s’est toujours complu dans la méditation des mêmes idées. Il faut d’ailleurs reconnaître que le parallélisme est jusqu’à un certain point dans la nature des choses, au moins pour le chant, puisque les refrains sont de toutes les époques et de tous les pays.

Nous avons dit qu’on peut comparer le parallélisme au mouvement d’un balancier. Rien n’est plus monotone en soi que la régularité de ce va-et-vient qui ne change jamais. La variété est cependant un élément nécessaire de la beauté. La monotonie ne devait-elle donc pas devenir l’écueil fatal de toutes les compositions poétiques d’Israël? Ce danger a été évité beaucoup mieux que dans nos poèmes en vers alexandrins, grâce à la souplesse du génie hébraïque et à la diversité des combinaisons qu’il a su introduire dans le parallélisme. Il y en a quatre espèces principales qu’on appelle parallélisme synonymique, antithétique, synthétique et rythmique.