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APPENDICE.


généalogiques de la Bible, mais nous ignorons si ces listes mêmes sont tout â fait complètes. Tous les chronologistes ont admis, jusque dans ces derniers temps, qu’il n’y avait pas de lacunes dans la chaîne des générations patriarcales, et la pensée de soulever un doute sur ce point ne s’est même pas présentée à leur esprit. Cependant, de nos jours, des exégètes se sont demandé si Moïse n’avait pas fait des omissions dans ses énumérations des premiers hommes, et ils se sont prononcés pour l’affirmative.

Il ne faut pas considérer, bien s’en faut, l’hypothèse des lacunes dans les listes généalogiques de la Genèse comme un fait démontré, excepté pour Caïnan, dont l’existence est attestée par S. Luc ; mais la seule possibilité des omissions permet de répondre à toutes les objections qu’on peut soulever au nom des diverses sciences, histoire, paléontologie, etc., contre la chronologie biblique. Si les savants parvenaient à prouver que la date qu’on assignait généralement à la création de l’homme n’est pas assez reculée, il en résulterait que les systèmes des chronologistes sont faux, mais le texte biblique demeurerait toujours lui-même hors de cause

Note 4, p. 16. — LE PARADIS TERRESTRE.

Nos premiers parents furent placés dans un jardin de délices que nous appelons le Paradis terrestre. Moïse nomme la contrée où il était situé Eden, Gen., ii, 8 ; iv, 16, et le paradis lui-même porte dans la Bible hébraïque le nom du lieu où il était situé. Eden signifie joie, délices. Notre mot paradis se retrouve en hébreu sous la forme pardés, pour signifier, comme dans l’ancien perse (pairadaéza), « parc, jardin planté d’arbres, enclos. »

Le texte sacré détermine la situation du paradis en disant qu’Eden était au levant (d’après le texte original, Gen., ii, 8), et qu’une rivière, qui y jaillissait pour arroser le jardin, se divisait ensuite en quatre cours d’eau, capita, appelés le Phison, le Géhon, le Tigre et l’Euphrate. L’identification du Tigre et de l’Euphrate n’offre aucune difficulté : ce sont les fleuves qui ont toujours été connus sous ce nom ; celle du Phison et du Géhon au contraire est encore aujourd’hui un problème. Il est dit du Géhon qu’il coule autour de la terre de Kousch, nom qui est traduit par les Septante et la Vulgate comme signifiant l’Ethiopie, parce que l’Ethiopie a été habitée, après la dispersion des peuples, par les Kouschites ; mais ces derniers habitaient auparavant en Asie, et Kousch désigne certainement ici une contrée d’Asie.

La plupart des commentateurs, jusque dans ces dernières années, ont cru que le Paradis terrestre était situé dans l’Asie occidentale. Les uns placent Eden dans l’Arménie, les autres près du golfe Persique, au-dessous du confluent de l’Euphrate et du Tigre, lorsque ces deux fleuves ont formé le Schat-el-Arab. Un certain nombre de savants modernes pensent, au contraire, qu’il faut le chercher dans l’Inde ou sur le plateau de Pamir. D’après eux, Havila, le pays qu’arrose le Phison, et où l’on trouve l’or, le bdellium et l’onyx, c’est l’Inde qui est, pour les Hébreux, une contrée s’étendant indéfiniment au sud-est. Cette explication n’est pas conciliable avec le texte biblique.

Le déluge et les révolutions diverses qui ont bouleversé certaines parties de la terre peuvent avoir modifié notablement la topographie des lieux où était situé le Paradis terrestre et rendu ainsi insoluble la question de son emplacement. L’opinion qui semble la plus vraisemblable est celle qui le place en Arménie, dans les riches vallées de cette contrée qui est encore aujourd’hui l’une des plus fertiles du monde. L’Euphrate et le Tigre ont leur source dans cette région ; le Tigre naît à une heure environ de l’Euphrate, au nord de Diarbékir. C’est en ce lieu qu’Adam dut être placé. Le Phison est ou bien le Phase des auteurs classiques, qui coule d’est en ouest et se jette dans la mer Noire, ou bien le Kur, le Cyrus des anciens, qui prend sa source dans les environs de Kars, non loin de la source occidentale de l’Euphrate, et se jette ensuite dans la mer Caspienne après avoir mêlé ses eaux à celles de l’Araxe, Havila, qu’arrose le Phison, c’est la Colchide, le pays des métaux précieux, où les Argonautes allèrent chercher la toison d’or. Quant au Géhon, c’est l’Aras d’aujourd’hui, l’ancien Araxe, appelé par les Arabes Djaichun, (ou Géhon) er Ras, lequel sort du voisinage de la source occidentale de l’Euphrate et va, comme nous l’avons dit, se jeter avec le Kur dans la mer Caspienne. La terre de Kousch qu’il traverse, d’après