Page:La sainte Bible selon la Vulgate traduite en français, avec des notes par J.-B. Glaire. Nouvelle édition avec introductions, notes complémentaires et appendices par F. Vigouroux (1905).djvu/2724

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
2692
LES ÉPITRES DE SAINT PAUL.


malgré la résistance du monde, il y établira plus d’Eglises que Platon n’y a gagné de disciples, par cette éloquence qu’on a crue divine. Il prêchera Jésus dans Athènes, et le plus savant de ses sénateurs passera de l’Aréopage en l’école de ce barbare. Il poussera encore plus loin ses conquêtes ; il abattra aux pieds du Sauveur la majesté des faisceaux romains en la personne d’un proconsul, et il fera trembler dans leur tribunaux les juges devant lesquels on le cite. Rome même entendra sa voix ; et un jour cette ville maîtresse se tiendra bien plus honorée d’une lettre du style de Paul, adressée à ses citoyens, que de tant de fameuses harangues qu’elle a entendues de son Cicéron. »

« S. Paul est le théologien du Nouveau Testament et le dernier degré de la profondeur dans les choses divines. Venu après Jésus-Christ, quand la révélation de tous les mystères était consommée, homme de science avant d’être l’homme de Dieu, il a porté dans les abîmes de l’incarnation et de la rédemption une lumière si énergique, qu’elle éblouit d’abord, et une intrépidité de foi dont l’expression abrupte cause une sorte de vertige à l’entendement qui n’y est pas préparé. S. Paul a une langue à lui, une sorte de grec tout trempé d’hébraïsme, des tours brusques, hardis, brefs, quelque chose qui semblerait un mépris de la clarté du style, parce qu’une clarté supérieure inonde sa pensée et lui paraît suffire à se faire voir elle-même. Insouciant de l’éloquence comme de la lumière, il rebute d’abord l’âme qui vient à ses pieds ; mais, quand on a la clef de son langage, et qu’une fois, à force de le relire, on s’est élevé peu à peu à l’entendre, on tombe dans l’enivrement de l’admiration. Tous les coups de sa foudre ébranlent et saisissent ; il n’y a plus rien au-dessus de lui, pas même David, le poète de Jéhovah, pas même S. Jean, l’aigle de Dieu ; s’il n’a pas la lyre du premier ni le coup d’aile du second, il a sous lui l’Océan tout entier de la vérité et ce calme des flots qui se taisent. David a vu Jésus-Christ du haut de la montagne de Sion, S. Jean a reposé sur sa poitrine dans un banquet ; pour S. Paul, c’est à cheval, le corps en sueur, l’œil enflammé, le cœur tout rempli des haines de la persécution, qu’il a vu le Sauveur du monde, et que renversé à terre sous l’éperon de sa grâce, il lui a dit cette parole de paix : Seigneur, que voulez-vous que je fasse ? » (Lacordaire.)