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INTRODUCTION.


établie au commencement dans les cœurs droits, et quels ont été la malice, l’obstination et le malheur de ceux qui sont restés incrédules. Aussi l’histoire et la doctrine sont-elles fondues ensemble d’une manière indissoluble, et l’on ne conçoit pas qu’on ait pu dire que les discours étaient des interpolations. « L’évangile de S. Jean est comme la robe sans couture du Sauveur, a dit Strauss lui-même. Il n’y a pas moyen d’en rien détacher : Il faut accepter tout comme authentique ou tout rejeter. »

S. Jean a un langage qui le distingue des autres évangélistes. Les discours qu’il rapporte et les tableaux qu’il trace ont, pour la forme et pour le fond, un caractère particulier.

Son vocabulaire n’est pas abondant. Les mêmes termes reviennent sans cesse, parce que la doctrine roule constamment sur les mêmes idées ; mais tous ces termes saisissent l’âme, toutes ces idées l’élèvent et la tiennent en présence des plus grandes et des plus saintes réalités. C’est Dieu, vérité absolue, dont l’éclat rayonne à travers les ténèbres ; c’est le Verbe, le Fils unique de Dieu, son expression parfaite, qui vient ici-bas pour faire connaître et honorer son Père, et à qui son Père rend témoignage par la parole et par les œuvres. Un certain nombre écoutent sa voix et ouvrent les yeux à sa lumière. Ceux-là ayant en eux son esprit et sa vie, sont appelés à partager sa gloire. Mais la plupart refusent d’écouter ses enseignements et d’obéir à ses lois. Loin de devenir des enfants de Dieu comme les premiers, ils seront des enfants du démon ; ils n’ont pas la vie en eux : ils n’arriveront pas à la gloire. Voilà ce qui est annoncé dès le premier chapitre, 11 et 12, et qu’on ne cesse de voir et d’entendre dans tout le cours de l’Evangile.

Il a des expressions qui lui sont propres, surtout pour rendre les rapports du Père avec le Fils et du Fils avec nous : Etre chez Dieu, être dans le Père, demeurer en Dieu, naître de Dieu, marcher dans la lumière, dans les ténèbres, etc. Il dit le Père, le Fils, d’une manière absolue. Il a des tournures qu’il affectionne et qu’il répèle : En cela, cela est. Quant à ces métaphores si souvent employées, lumière, vie, ténèbres, mort, mensonge, on ne peut pas dire qu’elles lui soient propres ; car on les trouve aussi dans les prophètes, dans S. Paul et même dans les synoptiques ; mais elles se lisent à toutes les pages de son évangile. Comme elles étaient familières aux gnostiques qu’il avait à réfuter, c’était pour lui une nécessité d’y revenir souvent, en revendiquant pour l’Homme-Dieu et pour sa doctrine les perfections que ces hérétiques attribuaient aux créations fantastiques de leur imagination.

Il aime les sentences brèves et détachées, il se plaît à énoncer ses pensées simplement, à la suite l’une de l’autre, comme autant d’intuitions, sans conjonctions ni pronoms relatifs, ce qui n’empêche pas qu’étant unies par le fond, elles ne produisent dans leur ensemble un grand effet. Au lieu de déduire, il affirme, ou plutôt il atteste ce qu’il voit ou ce qu’il a vu, et il se plaît à répéter les mots et les pensées, comme les vieillards, dit Michaëlis, qui ont recours à ce moyen pour graver leurs maximes dans les esprits.

En fait de figures, il emploie souvent l’antithèse, pour faire ressortir ses idées. Il oppose les lumières aux ténèbres, ceux qui sont nés de Dieu à ceux qui sont nés des hommes, Jésus-Christ à Moïse, la loi à la grâce, les fidèles aux incrédules ; ou bien après avoir affirmé une chose, il nie la chose opposée. Il paraît aimer aussi l’apposition, qui se formule par c’est-à-dire, à savoir.