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XV
AVERTISSEMENT.

Que si, malgré ces motifs, on nous faisait encore le reproché d’être trop littéral, nous nous croirions en être pleinement justifié par la considération que ce mode de traduction nous a été imposé par le traducteur sans égal, Bossuet, que nous avons pris pour modèle, et à qui, par conséquent, nous avons dû faire le plus d’emprunts possibles. Or, Bossuet ne connaît pas de raison suffisante d’abandonner jamais, même au détriment du génie de notre langue, une littéralité qui rend le texte, et le texte tout entier, dans sa simplicité, dans sa rudesse, et, le cas échéant, dans ses ombres et son obscurité ; une littéralité qui n’autorise point la licence criminelle d’introduire dans le texte des paraphrases qu’on devrait renvoyer dans les notes, pour ne point mêler ou substituer la pensée de l’homme à la pensée de Dieu ; une littéralité qui ne veut pas que, par un esprit de ménagement et une fausse délicatesse, on donne un sens vague à un terme précis ; une littéralité qui exige, non seulement que les expressions et les tours identiques dans le texte se rendent de la même sorte dans la traduction, mais encore que la figure du texte, son allure, sa manière d’être, sa physionomie, soient fidèlement reproduites en conservant tous les idiotismes grecs ou hébreux. Enfin, Bossuet ne connaît pas de raison suffisante d’abandonner la littéralité qui, en présence du texte sacré, rejetant toutes les pompes de l’éloquence humaine, parle simplement, et comme de mot à mot, la langue des pauvres pêcheurs de Galilée. Ces considérations, que Bossuet a répandues çà et là dans ses écrits (1), se trouvent parfaitement résumées dans le passage suivant, où, en parlant de la traduction de Sacy, imprimée à Mons, il dit au maréchal de Bellefonds : « Je vois avec regret que quelques-uns affectent de lire une certaine version plus à cause des traducteurs qu’à cause de Dieu qui parle, et paraissent plus touchés de ce qui vient du génie ou de l’éloquence de l’interprète, que des choses mêmes. J’aime, pour moi, qu’on respecte, qu’on goûte et qu’on aime, dans les versions les plus simples, la sainte vérité de Dieu. Si la version de Mons a quelque chose de blâmable, c’est principalement qu’elle affecte trop de politesse, et qu’elle veut faire trouver, dans la traduction, un agrément que le Saint-Esprit a dédaigné dans l’original. Aimons la parole de Dieu pour elle-même ; que ce soit la vérité qui nous touche, et non les agréments dont les hommes éloquents l’auront parée. La traduction de Mons aurait eu quelque chose de plus vénérable et de plus conforme à la gravité de l’original, si on l’avait faite un peu plus simple, et si les traducteurs eussent moins mêlé leur industrie, et l’élégance naturelle de leur esprit à la parole de Dieu (2). »

Il semble que Sacy avait sous les yeux ces paroles de Bossuet et qu’il

  1. (1) M. Wallon (de l’Institut), digne interprète de Bossuet, a réuni la plupart de ces considérations dans les Evangiles, traduction de Bossuet, mise en ordre, Avertissement, passim.
  2. (2) Lettre xix au maréchal de Bellefonds, t. XXVII, p. 76, édit. de Versailles, 1818,