Page:La sainte Bible selon la Vulgate traduite en français, avec des notes par J.-B. Glaire. Nouvelle édition avec introductions, notes complémentaires et appendices par F. Vigouroux (1905).djvu/2092

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
2060
[ch. i.]
JOEL.

CHAPITRE 1.

Désolation de la Judée par le fléau des insectes et de la sécheresse. Exhortation à la pénitence. Jour terrible qui doit succéder à ce premier fléau.

1. Parole du Seigneur qui fut adressée à Joël, fils de Phatuel.

2. Ecoutez ceci, vieillards, et prêtez l’oreille, vous tous, habitants de la terre ; est-ce que cela est arrivé dans vos jours, ou dans les jours de vos pères ?[1]

3. Racontez-le à vos fils, et vos fils à leurs fils, et leurs fils à une autre génération.

4. Les restes de la chenille, la sauterelle les a mangés, et les restes de la sauterelle, le bruchus les a mangés, et les restes du bruchus, la nigelle les a mangées.[2]

5. Réveillez-vous, ivres, et pleurez, et hurlez, vous tous qui buvez du vin doux ; parce qu’il est banni de votre bouche.[3]

6. Car une nation est montée sur mon pays, forte, innombrable ; ses dents sont comme les dents d’un lion, et ses molaires, comme celles d’un lionceau.[4]

7. Elle a réduit ma vigne en un désert, et mon figuier, elle l’a écorcé ; le dégarnissant de ses feuilles, elle l’a dépouillé, et jeté par terre, et ses rameaux sont devenus blancs.[5]

8. Pleure, comme une vierge vêtue d’un sac sur l’époux de sa jeunesse.[6]

9. Le sacrifice et la libation sont bannis de la maison du Seigneur ; les prêtres, ministres du Seigneur, sont dans le deuil.[7]

  1. Joël 1,2 : Vieillards, etc. Joël s’adresse aux habitants de Juda.
  2. Joël 1,4 : La chenille, etc. Selon le plus grand nombre des interprètes, tant juifs que chaldéens, ces insectes ne sont qu’une figure, qu’un symbole des ennemis du peuple juif. Le Prophète, en effet, emploie parfois des expressions qui ne conviennent nullement à des insectes quelconques. ― * L’invasion des sauterelles, qui occupe une si large place dans la prophétie de Joël, est interprétée de deux façons très différentes. ― 1o La paraphrase chaldaïque, S. Ephrem, S. Jérôme et un grand nombre de commentateurs, n’ont vu dans ces insectes qu’un symbole des peuples païens, Assyriens, Mèdes, Perses, Romains. ― 2o Beaucoup de modernes entendent cette invasion dans le sens littéral, s’appuyant surtout sur ce que le Prophète ne parle que des dégâts causés dans les champs et du mal fait aux animaux, non aux personnes, tandis que, s’il s’agissait d’une guerre, les personnes auraient eu beaucoup à souffrir, et Joël n’aurait pu se dispenser de parler de leurs tribulations. De plus, toutes ses paroles semblent se rapporter à un fait passé et non futur. ― 3o Quoiqu’il soit difficile de ne pas voir dans les deux premiers chapitres un événement historique, on peut néanmoins concilier ensemble, jusqu’à un certain point, les deux opinions en admettant, comme cela paraît très vraisemblable, que Joël, dans sa seconde partie, considère l’invasion dont il a parlé dans la première comme le type du jugement de Dieu qui approche.
  3. Joël 1,5 : Doux ; littéralement, avec douceur (in dulcedine). Comme nous l’avons remarqué plus d’une fois, les adjectifs en hébreu son souvent remplacés par un substantif précédé d’une proposition. Ajoutons que le terme hébreu que la Vulgate a traduit ici par douceur signifie le vin doux ou nouveau, en latin mustum, mot qu’elle a employée ailleurs elle-même (voir Cantique des Cantiques, 8, 2 ; Isaïe, 49, 26).
  4. Joël 1,6 : * Une nation ; les sauterelles, qui ravagent et détruisent tout.
  5. Joël 1,7 : * Les sauterelles rongent aussi et dévorent l’écorce des arbres.
  6. Joël 1,8 : Un sac ; c’est-à-dire, un vêtement rude et grossier qu’on portait dans le deuil.
  7. Joël 1,9 : Les prêtres, etc. ; parce qu’ils ne peuvent plus offrir de sacrifices, à cause du manque de toutes les récoltes.