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et de l’ordure qui sort de l’homme, tu le couvriras à leurs yeux.[1]

13. Et dit le Seigneur : C’est ainsi que les enfants d’Israël mangeront leur pain souillé parmi les nations vers lesquelles je les chasserai.[2]

14. Et je dis : Ah ! ah ! ah ! Seigneur Dieu, voilà que mon âme n’a pas été souillée ; et je n’ai pas mangé d’animal crevé, ni déchiré par des bêtes, depuis mon enfance jusqu’à maintenant, et il n’est entré dans ma bouche aucune chair immonde.

15. Et il me dit : Voilà que je t’ai donné la fiente des bœufs au lieu des excréments humains ; et tu feras ton pain avec cette fiente.[3]

16. Et il me dit : Fils d’un homme, voilà que moi je briserai le bâton du pain dans Jérusalem ; et ils mangeront le pain au poids et dans l’inquiétude, et ils boiront l’eau par mesure et dans l’angoisse ;[4]

17. Afin que, le pain et l’eau manquant, chacun tombe

  1. Éz. 4,12 : Tu le couvriras, etc. ; selon l’hébreu, tu le cuiras sous la cendre avec des excréments, etc. Personne n’ignore que, dans les pays pauvres de l’Orient, on emploie souvent, faute de bois, de la fiente de bœuf, de chameau, etc., sèche, pour la cuisson des aliments. Ainsi Dieu veut que le prophète fasse, pour cuire son pain, du feu, non avec la fiente des animaux, mais avec des excréments humains, dont les plus pauvres ne sont pas forcés ordinairement de se servir, afin de marquer par là que l’excès de misère où les Juifs seront réduits en punition de leurs crimes sera tel, qu’ils se trouveront forcés d’employer pour préparer leur nourriture ce dont les hommes ont horreur. La concision de la Vulgate pourrait à la rigueur favoriser une autre interprétation, mais cette version doit s’expliquer par le texte hébreu.
  2. Éz. 4,13 : Voir Osée, 9, 4.
  3. Éz. 4,15 : L’usage d’employer les excréments d’animaux desséchés comme combustible est commun dans un grand nombre de contrées de l’Orient où le bois est rare ou bien fait défaut. « En différents endroits de la Palestine, dit Korte, j’au vu cuire le pain au moyen d’excréments de bœufs et de chameaux, moins parce que, en ces lieux-là, le bois était trop rare ou trop cher, comme cela arrive en Egypte et dans les déserts d’Arabie, que parce qu’on trouve ce combustible plus commode. » ― D’Arvieux décrit dans les termes suivants la manière dont on fait ainsi le pain : « [Les Arabes] mangent de trois sortes de pain… La seconde sorte de pain se cuit sous la cendre ou entre deux brasiers de fientes de vaches allumées, qui brûlent d’un feu lent et cuisent le pain tout à loisir. Ce pain est épais comme nos gâteaux, la mie en est fort bonne quand elle est mangée le même jour… Ce n’est pas seulement chez les Arabes qu’on se sert de cette espèce de pain et de la fiente de vaches pour les cuire, les paysans s’en servent aussi, et tous les villageois qui sont dans les lieux où il n’y a guère de bois prennent grand soin d’en faire des provisions. Les petits enfants les ramassent toutes fraîches et ils les appliquent contre les murailles pour les faire sécher ; ils en détachent la quantité dont ils ont besoin pour cuire du pain ou pour se chauffer ; elles brûlent peu à peu et conservent longtemps un feu semblable à celui des mottes des tanneurs ; on en fait de petites mottes qu’on laisse sécher au soleil. » Cette espèce de combustible n’est pas inconnue en France. On s’en sert, par exemple, au Croisic (Loire-Inférieure), où l’on fait sécher aussi la fiente de vache, comme le dit d’Arvieux, en l’appliquant contre les murs des champs. ― Voltaire a fait les plus fades plaisanteries sur ce qu’il appelait le déjeuner d’Ezéchiel ; il suppose que Dieu ordonna au prophète de se nourrir d’excréments ; mais le texte original ne contient rien de semblable ; il dit seulement que les aliments doivent être cuits sur ce combustible.
  4. Éz. 4,16 : Voir Ezéchiel, 5, 16 ; 14, 13. ― Le pain est appelé bâton, parce qu’il est le soutien de la vie, comme le bâton est le soutien du corps. Comparer à Lévitique, 26, 26.