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LA SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L’ÉTAT

Mais ce serait aller, croyons-nous, contre la vérité historique, que de prêter aux hommes de 1789 un projet aussi résolu dans leur esprit.

L’Église temporelle n’existait plus ; aucun des privilèges d’autrefois ne subsistait. Cependant, la crédulité religieuse ne paraissait pas avoir reçu des atteintes sérieuses ; à cette foi il fallait des serviteurs. L’État commit l’erreur de s’imaginer qu’il lui était possible de les créer de toutes pièces, de sa propre autorité ; et cette Assemblée, qui se révoltait quand on lui proposait de décréter le catholicisme religion nationale, s’asservit à une collectivité d’hommes vivant du commerce de leurs croyances, tout en prétendant les soumettre à son despotisme, elle qui proclamait la liberté.

À cette époque de la Révolution, la paix et la liberté religieuses eussent pu être réalisées, si les esprits plus avisés avaient su reconnaître, dans le principe de la séparation des Églises et de l’État, la solution de bons sens, la solution logique.

Bien au contraire, dans l’état de choses qu’elle prétendait instaurer, l’Assemblée nationaje manifestera une légitime susceptibilité au sujet de son indépendance. Elle se montrera indignée, quand le pape Pie VI prononcera le 29 mars 1790, la condamnation des principes révolutionnaires. Et dans la crainte que ce clergé, qu’elle voulait à son service, ne prît au pied de la lettre les paroles enflammées du Saint-Siège, elle se décidera à rompre en visière avec Rome.

Mais, d’autre part, l’Assemblée ne fut pas longtemps sans s’apercevoir que les eclésiastiques français, avec lesquels elle désirait négocier, lui échappaient chaque jour. Par tous les diocèses ils lançaient de fougueux mandements, encourageant la levée de libelles incendiaires, fanatisant les popula-