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LA SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L’ÉTAT


priétaire. Il lui paraissait que, sans richesse matérielle, son prestige avait cessé d’être, ainsi que toute autorité morale et toute domination temporelle.

Aussi, est-ce solennellement, au nom de tous les établissements religieux, que l’évêque de Nancy déclare ne pouvoir consentir au décret et à tout ce qui s’en suivrait. L’archevêque d’Aix crut nécessaire d’user de moyens de conciliation et fit une offre de 400 millions hypothéquée sur les biens du clergé, qui en payerait les intérêts et en rembourserait le capital par des ventes progressives. Mais l’archevêque achevait son discours d’apaisement en évoquant la « puissance ecclésiastique », ce qui déplut à nombre de membres. Don Gerbe fut encore plus maladroit. « Il faut décréter, dit-il, que la religion catholique, apostolique et romaine est et demeure, et pour toujours, la religion de la nation, et que son culte sera le seul autorisé. » Un tel fanatisme, qui eut été compréhensible un siècle plus tôt déchaîna le tumulte et ce fut au milieu de propositions et de contre-propositions, de harangues menaçantes, que le projet Chasset fut adopté dans son économie essentielle.

Le clergé n’était plus désormais qu’un corps de fonctionnaires salariés par l’État. En moins d’un an l’Église catholique avait perdu tous ses privilèges ; son pouvoir temporel, assise inébranlable de sa domination spirituelle, lui était ravi par l’État, maître de ses propres destinées.

Elle ne souffrit point pareille déchéance. Ses ministres s’enrôlèrent dans les rangs ennemis de la Révolution, tandis que la nation, après avoir détruit l’édifice de l’ancienne Église, se donna pour devoir d’établir selon ses vues un nouvel ordre de choses religieux.