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LA SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L’ÉTAT

Pour lui, il reste indiscutable que les biens du clergé sont propriété nationale. L’État doit en régler l’emploi, afin que leur double destination soit rigoureusement remplie : entretien du clergé et soulagement des pauvres. Mais il ne saurait les aliéner sans méconnaître ses devoirs essentiels vis-à-vis de l’Église et vis-à-vis des malheureux ; s’il lui est permis de disposer du revenu de ces propriétés, ce ne peut être que les années où, grâce à une meilleure administration, les ministres de l’Église étant entretenus et les pauvres secourus, un excédent résulterait des exercices.

Ce modus vivendi n’était pas conçu sans habileté. Il rallia de nombreux curés qui formèrent ainsi un parti intermédiaire, une minorité agissante mais faible. Contre les questions de principes, que la majorité posait inlassablement, on ne pouvait rien. Thouret proclamait que le clergé ayant cessé d’être un corps politique, son droit de propriété était inexistant puisque la loi ne connaît que les propriétaires réels. Ces corps ne peuvent plus posséder ; sans spoliation, la nation peut donc reprendre au clergé les biens qu’elle lui avait seulement permis de posséder.

Les représentants du clergé s’évertuaient à rétorquer ces arguriients de droit et de fait par tout un ensemble d’affirmations sèches, raides, scholastiques. Le clergé est une personne morale, disaient-ils ; il peut être propriétaire. Le travail, les acquisitions sont de suffisants titres de propriété ; mais, en réalité, il a acquis à deniers comptants et par échanges ; ces actes ne sont pas ceux d’un usufruitier, mais d’un propriétaire.

Ce débat juridique eût pu s’éterniser si Mirabeau, le 30 octobre, n’était venu trancher la question avec son éloquence et sa logique coutumières. Loin d’accorder au clergé une qualité d’usufruitier, il ne voit