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LA SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L’ÉTAT


meurer en France. Autorisation précaire, puisque tout culte public leur était interdit et que leurs enfants devaient être élevés dans le catholicisme. Il avait été ordonné précédemment que les notaires et huissiers protestants abandonneraient leurs charges à des catholiques (1682) ; que les officiers protestants de la maison du roi devraient abandonner leur place ou se convertir au catholicisme (1683) ; que les épiciers fermeraient leurs boutiques, sous peine de 3.000 francs d’amende. Une déclaration royale avait interdit aux sages-femmes protestantes « de se mêler d’accoucher ».

Par le fait de ces décisions, 10.000 familles protestantes s’étaient expatriées avant la révocation. Vauban estime à 100.000 le nombre de protestants qui désertèrent la France à la suite de l’édit, avec 60 millions de francs. Cette exode causa la ruine du commerce ; les flottes ennemies furent grossies de 9.000 matelots, les meilleurs du royaume ; leurs armées de 600 officiers et de 12.000 soldats plus aguerris que les leurs.

Cette révocation avait été préparée par une action patiente et minutieuse du clergé français. Louis XIV n’était encore qu’un enfant qu’il entendait Choiseul, l’évêque de Commingues, lui dire : « Nous ne demandons pas à Votre Majesté de bannir encore de votre royaume cette malheureuse liberté de conscience qui détruit la liberté des enfants de Dieu, mais, s’il n’est en votre pouvoir d’étouffer l’hérésie d’un seul coup, de la faire du moins périr peu à peu.

Le clergé réclama d’abord que l’on observât strictement l’édit de Nantes, sans tenir compte des événements survenus depuis sa promulgation. Louis XIV fit envoyer les commissaires dans les provinces. Des temples furent démolis sous le prétexte qu’ils se trouvaient sur des lieux où le culte public n’avait pas