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LA SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L’ÉTAT


nées à disparaître. Tous les pasteurs furent exilés, partout les temples furent démolis, tous les biens des Églises furent donnés aux hôpitaux catholiques et plus de cinq cent mille Français durent s’exiler pour sauvegarder la liberté de leur conscience. Les dragonades dévastèrent les provinces protestantes et par milliers furent jetés dans les prisons et les bagnes les réformés qui ne voulurent pas accepter « la religion du roi ». La persécution ne respecta pas même la mort et, sans respect de l’âge ou du sexe, les cadavres des réformés furent souvent jetés à la voirie. On comprend qu’un historien ait pu écrire : « C’est une date à marquer au tableau noir des grands désastres nationaux, des déroutes humiliantes, des traités ruineux. » (A. Sorel.)

Il pouvait sembler que les Églises réformées ne se relèveraient jamais de leurs ruines ; mais trente années plus tard, un jeune homme âgé de vingt ans, Antoine Court, qui a mérité d’être appelé le restaurateur du protestantisme en France, réunissait le 21 août 1715 quelques réformés, restés fidèles à leur foi malgré les persécutions, et reprenait la tradition synodale. Les Églises se reconstituèrent lentement au milieu de dangers sans nombre, pasteurs et fidèles étant sans cesse sous la menace de la mort ou du bagne, et de toute manière dans la condition la plus misérable du monde, car une législation odieuse refusait l’état-civil aux protestants, faisant de leur mariage un concubinage et condamnant leurs enfants à la bâtardise.

À la veille de la Révolution française, lorsque fut promulgué l’édit de Tolérance de 1787 qui ne rendait aux protestants « que ce que le droit et la nature ne permettaient pas de leur refuser », c’est-à-dire l’état civil, la réorganisation des Églises était un fait accompli, alors même que le culte ne se célébrât, suivant une expression alors consacrée, qu’au désert.