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LA SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L’ÉTAT


au clergé régulier le chiffre des ecclésiastiques qu’il comprenait s’élevait à 60.000.

Ces chiffres sont empruntés à l’abbé Guettée, et Taine les donne comme authentiques. De Pradt, le célèbre diplomate ecclésiastique, le conseiller et le collaborateur de Napoléon dans son œuvre concordataire, nous apporte un dénombrement analogue.

Ces 130.000 ecclésiastiques possédaient, à la veille de la Révolution, un tiers de la fortune de la France. Dans son rapport au Comité ecclésiastique, le constituant Treilhard évalue à 4 milliards les biens du clergé ; et ce chiffre n’a rien d’exagéré. Ces 4 milliards rapportent annuellement de 80 à 100 millions : et il faut joindre à ce revenu ce que produit au clergé la dîme ; soit 123 millions par an ; au total, 200 millions.

Pour apprécier l’importance de ce revenu, en le chiffrant suivant la valeur qu’il aurait aujourd’hui, il faut parler de 400.000 millions. Il n’a été question ni du casuel ni des quêtes.

Et si nous avons placé ici, au début de ce travail cet état succinct de la propriété ecclésiastique, à la veille de la Révolution française, c’est afin de donner une idée éclatante de ce qu’était la puissance matérielle de l’Église, en France, au moment où cette puissance, et l’autorité morale même du catholicisme vont être mises en question, et pour la première fois contestées au nom de principes qui s’attaquèrent non seulement aux manifestations extérieures de l’Église, à ses abus, à certains de ses dogmes, comme l’avaient fait, par exemple, le protestantisme et l’orthodoxie russe, mais à son esprit même, à sa conception générale de la vie, du monde, et de la divinité.

Si, par le seul effort des constituants et des conventionnels, cette énorme puissance matérielle a pu être saper, détruite, anéantie, — du moins pendant la pé-