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LA SÉPARATION DES ÉGLISES ET DE L’ÉTAT


damnerait à le chanter. S’il réclamait votre bénédiction avant de frapper le ventre de sa mère et que vous eussiez l’audace de la lui refuser, tous les préfets de l’Empire vous adresseraient une proclamation, au nom de l’honneur et de la patrie, pour vous rappeler que vous vivez des bienfaits de l’État. Car, entendez-le : ils exigent de vous des prières dont votre conscience ne reste pas juge et ils l’exigent en n’invoquant qu’une raison : c’est que vous êtes payés ; ils n’ont pas besoin d’être justes : vous êtes payés.

« Ils n’ont point de compte à vous rendre : vous êtes payés… Catholiques ! voilà ce que vous coûtent les millions de l’État : la liberté de conscience. »

Ainsi, par respect pour la dignité de l’Église, la séparation de l’Église et de l’État s’imposerait.

Elle s’imposerait, parce que, nous dit Lamennais, « l’Église veut accomplir ses destinées ». De quel droit l’État peut-il l’en empêcher ? Si ces destinées sont périlleuses pour lui, il saura intervenir, pensent aujourd’hui les partisans de la séparation.

On connaît la fin de Lamennais et de ses théories. Celles-ci, il n’en faut pas douter, furent partagées par l’ensemble du clergé, par les humbles curés qui aspiraient à « n’avoir que Dieu pour patrimoine ». Mais elles furent désavouées par l’idole même de Lamennais, par le pape. Quant aux évêques, ils refusaient de devenir pareils aux « prolétaires ». Le 15 novembre 1831, l’Avenir dut cesser de paraître.

Mais les opinions qui y furent si ardemment défendues ayant produit un certain ébranlement dans l’Église, le pape, par son encyclique du 15 août 1832, fulminait contre les principes de 1789, que le Concordat approuvait ; et, fait étrange, la séparation y était condamnée, comme attentatoire à la puissance spirituelle.

Les amis de Lamennais poursuivirent la lutte dans