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confus, je parle surtout des premiers enregistrements qui, de plus, n’étaient pas tous d’une rigoureuse justesse. Mais, à les écouter plus attentivement, on est frappé de l’extraordinaire richesse rythmique de ces brèves phrases mélodiques et par les véritables prouesses acrobatiques qu’exécutent les différentes parties pour s’ajuster dans cette mesure désarticulée. Les paroles contribuent également à créer cette ambiance. Composées à la suite d’une aventure politique, sentimentale, ces chansons sont satiriques ou d’une tristesse toujours nuancée d’un certain humour. Leur patois aux mots crus brave souvent l’honnêteté. Ces chansons, d’origine populaire, ne duraient que le temps d’un Carnaval antillais, c’est-à-dire, de janvier à mars. Elles étaient ensuite rapidement oubliées. Mais grâce à l’enregistrement, certaines d’entre elles renaissent maintenant : telles les biguines du délirant Carnaval de Saint-Pierre, la ville disparue. Poétiques guitares et mandolines, « chachas » jaseurs, « triangles » tintinabulant, accordéons rustiques, clarinettes geignardes, trombones tonitruants, staccati des cordes, battements assourdis du jazz, vous transformez la plus grise journée d’hiver en un flamboiement de lumière sur les palmes…

Andrée Nardal.