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vec mille agaceries, tandis que son partenaire se fait insinuant, ou affecte une superbe indifférence qu’il abandonne bientôt pour rattraper sa cavalière qui s’enfuit dans l’envol de ses jupes. Qu’on la danse par couples, ou en quadrille, les pas et les gestes restent merveilleusement solidaures du dessin de la phrase musicale.

La mélodie, écrite en général dans le mode majeur, est d’une grande simplicité. Point d’ornements. Les modulations sont beaucoup plus rares que dans les autres genres locaux : vieilles berceuses communes aux Antilles, à la Louisiane, à l’Île Maurice ; romances du xviiie siècle, en savoureux patois coupé de vieux français, mélopées, laguias, bel-airs. Sans le rythme, cette phrase mélodique qui se joue à deux temps (binaires), ne présenterait aucun intérêt. Elle se rapproche par là d’une danse de vogue récente, appelée rumba. La syncope y règne en maîtresse. Elle est cependant moins savante que dans le bel-air ou « calypso », où, par sa complication elle détermine des valeurs pointées presque imperceptibles, bousculant les divisions des temps de façon fort inattendue. À cause du désordre des accents, la transcription en est malaisée. Fort heureusement, l’enregistrement en donne une fidèle reproduction. À part quelques essais pour le piano, il n’existe point de transcriptions pour orchestre.

C’est pourquoi, sans les nombreux musiciens antillais et les enregistrements, je douterais du plein succès de la biguine dans les dancings parisiens. Point n’est besoin de partitions : d’instinct, les musiciens antillais harmonsisent la mélodie. L’accompagnement présente un extrême pittoresque. La phrase musicale pourrait paraître monotone, sans la clarinette qui se charge de la commenter, l’agrémentant de ses variantes, la ponctuant de ses soupirs. En solo, ou concertant avec les autres instruments, elle se fait tour à tour pimpante, haletante, moqueuse, lascive. Le rythme acquiert alors une surprenante élasticité. À une oreille étrangère, certains disques pourraient sembler