Page:La fondation de l'Etat indépendant du Congo au point de vue juridique, par Gustave Moynier.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 33 —

vérité, cet arrangement à une fête, où tout le monde serait invité à danser aux frais de l’État, qui paierait la salle et l’orchestre sans en retirer lui-même aucun bénéfice[1].

Ces franchises ne sont pas exclusives de taxes modérées, à percevoir en compensation de frais faits dans l’intérêt général, pour faciliter le commerce et la navigation, mais les étrangers et les nationaux seront traités sur le pied d’une parfaite égalité ; il n’y aura ni monopoles, ni tarifs différentiels, ni privilèges d’aucune sorte, ni rien qui puisse placer quelqu’un dans un état d’infériorité légale relativement à autrui.

En comparant ce régime à celui qui prévaut dans l’ancien monde, on sera frappé du contraste qu’ils présentent. Pour avoir exigé que leurs ressortissants fussent traités au Congo comme il vient d’être dit, les puissances européennes ne se croient point généralement tenues d’établir chez elles, — ni même dans celles de leurs colonies africaines pour lesquelles elles ont pu éviter de se lier, — soit le libre-échange, soit l’égalité de droits entre tous les habitants, soit la liberté de conscience et de culte, soit l’ouverture sans conditions des fleuves internationaux. Il semble même que, sur quelques-uns de ces points, ce soit malheureusement la tendance contraire qui prévale aujourd’hui, et que l’adage égoïste sic vos non vobis trouve là une éclatante confirmation.

Si, des immigrants de race blanche, dans l’intérêt desquels les libertés que je viens d’énumérer ont été concédées, nous passons aux indigènes, nous verrons que l’État du Congo est tenu aussi de remplir certains devoirs envers eux. Il n’y faillira pas, on peut en être assuré, car sa pensée première, ou du moins celle de son souverain, était de s’en acquitter spontanément.

En premier lieu, il faut qu’il fasse connaissance avec les

  1. Séance du Sénat belge, du 30 avril 1886.