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Ce fut de ce devoir que s’acquitta le souverain du Congo, en notifiant à chacun des gouvernements existants son avènement au trône, par un message dont je n’ai guère fait jusqu’ici qu’analyser la substance. Il attendait d’eux, en retour, la reconnaissance diplomatique de l’État sur lequel il commençait à régner. Sa démarche équivalait à une affirmation de sa volonté de se conformer aux prescriptions du droit international, volonté qu’attestait d’ailleurs l’adhésion à l’Acte général de Berlin, qu’il avait donnée, cinq mois auparavant, comme fondateur de l’Association internationale.

Je voudrais relever, à ce propos, ce qu’avait eu d’irrégulier dans la forme cette adhésion donnée, au nom d’une société, à une convention qui, aux termes de son article 37[1], invoqué par la dite société, ne pouvait lier que des gouvernements.

Rien de plus vaporeux que les brumes qui enveloppent la transformation, graduelle et presque insensible, de l’Association internationale, entreprise tout à fait privée, en une puissance régulièrement constituée. Dans cette opération, plusieurs tableaux se sont succédé, comme dans un diorama, sans qu’un observateur attentif ait pu préciser l’instant où l’un faisait place à l’autre. Primitivement, il n’y avait qu’une société civile, sans caractère officiel et sans autorité ; puis vint, peu à peu, l’acquisition de terrains, sur lesquels elle obtint de ses auteurs le droit d’exercer une véritable souveraineté. Elle n’était pourtant point encore un État, au sens propre du mot. Ceux qui la dirigeaient semblent avoir considéré que la transition a commencé à s’effectuer dès qu’un gouvernement, celui des États-Unis, a consenti à traiter avec eux et à reconnaître, – quoique dans des termes un peu ambigus, — leur dra-

  1. Art. 37. « Les puissances qui n’auront pas signé le présent Acte général pourront adhérer à ses dispositions par un acte séparé. L’adhésion de chaque puissance sera notifiée… etc. »