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sonne et que, monarque absolu, du moins en Afrique, il est le seul arbitre, humainement parlant, des destinées de ses nouveaux sujets. Mais qu’on se rassure ; ce n’est point pour en mésuser ou en abuser qu’il s’est attribué un pouvoir aussi étendu. Ne sait-on pas que, dans la conférence africaine de Berlin, les représentants officiels des puissances qui s’y trouvaient réunies ont rendu hommage aux intentions humanitaires et bienveillantes du fondateur de l’Association internationale, et que nul ne les met en doute ? Plus heureux que les grenouilles de la fable, les Congolais ont reçu de la Providence, sans même le lui avoir demandé, un maître aussi actif que paternel, aussi éclairé que pacifique, auquel ils n’auront à reprocher ni l’inertie du soliveau, ni la voracité de la grue.

C’était faire preuve de sagesse que de ne pas doter les nègres de l’Afrique équatoriale d’un gouvernement représentatif, pour lequel ils sont loin d’être mûrs. D’ailleurs, tout façonnés déjà à la soumission envers des chefs de tribus, véritables autocrates au petit pied, il ne viendra de longtemps à la pensée d’aucun d’eux de réclamer des droits civiques, qu’on ne leur retire pas et qu’il leur paraît tout naturel de ne pas exercer.


Commission internationale. — Rappelons ici que l’Acte général de Berlin, du 26 février 1885, auquel l’Association internationale avait adhéré, a grevé tout le bassin du Congo d’une servitude, que l’État indépendant doit subir pour sa part et qui porte une assez sérieuse atteinte à sa souveraineté. Tous les cours d’eau navigables — et l’on sait l’importance qu’ils y ont — sont placés sous l’autorité collective des signataires de l’Acte susmentionné, et échappent ainsi, dans une large mesure, à celle des États riverains. Une Commission internationale règne sur les fleuves et les rivières qui sillonnent cette région ; elle y possède des attributions qui outrepassent de beaucoup celles d’un