Page:La Villemarqué - Dictionnaire français-breton de Le Gonidec, volume 1.djvu/70

Cette page n’a pas encore été corrigée
lx
ESSAI SUR L’HISTOIRE

trenen ne sut pas mieux distinguer les mois vraiment bretons, des expressions étrangères, introduites sans profit et sans nécessité, dans la langue bretonne. D’ailleurs, son breton naturel (il en convient modestement lui-même) était fort mauvais et peu intelligible, sinon dans l’évêché de Vannes, où il avait passé ses premières années. « J’ignore, ajoute-t-il, une infinité de mots bretons ; mais quelque sçavant dans la langue qui voudra se donner la peine de joindre ce qu’il sçait à ce qu’il trouvera ici digéré, sera en état de faire un autre dictionnaire beaucoup plus ample, plus recherché et plus utile au public [1] »

Dom Le Pelletier, qui mit à discerner les vraies expressions celtiques plus de tact et de sagacité qu’à les décomposer par l’étymologie, consacra vingt-cinq ans au recueil dont le P. Grégoire souhaitait la publication ; mais il mourut en y laissant des lacunes considérables.

Le Gonidec devait les remplir. « On peut regarder son dictionnaire breton-français, dit M. Brizeux, comme un chef-d’œuvre de méthode ; c’est un triage complet des précédents vocabulaires et glossaires, exécuté avec la critique la plus prudente et la plus sûre. Son dictionnaire français-breton a été fait sur le même plan et les mêmes principes. » Les deux ouvrages offrent un répertoire de tous les mots de la langue usuelle, telle que l’écrivent les meilleurs auteurs bretons de nos jours, et telle que la parlent et l’emploient, dans leurs chants populaires, les habitants des campagnes qui la possèdent le mieux. Comme le dialecte léonnais est pour les Bretons la langue générale ou commune, de même que l’attique l’était pour les Grecs, que le saxon Test en Allemagne, et le toscan en Italie, et qu’il a l’avantage d’être entendu dans toute la Basse-Bretagne, Le Gonidec s’y est arrêté de préférence ; toutefois, lorsque le même mot se présente avec quelque modification, ou qu’il est différent dans les autres dialectes ^, il le donne aussi d’après eux ; il a soin encore, lorsqu’une expression qui n’existe pas en Léon est usitée ailleurs, d’indiquer à quel dialecte elle appartient plus particulièrement. Quant aux mots sans famille dans la langue bretonne, et empruntés aux idiomes étrangers, il n’a pas cru devoir les exclure du vocabulaire, s’ils manquent d’équivalents bretons, et s’ils sont absolument nécessaires pour exprimer les idées qu’ils représentent. Les uns sont d’ailleurs d’un usage tellement ordinaire, et les autres ont été tellement modifiés par le génie breton, qu’ils se sont naturalisés en quelque sorte en Bretagne. Les bannir n’eût pas été sage ; les conserver sans les distinguer eût été peu prudent : il a donc admis les intrus, mais en marquant les plus nouveaux d’une astérisque, afin que l’on ne confonde pas les indigènes avec eux, qu’on se garde à l’avenir d’en admettre d’autres semblables, et qu’on cherche aux idées nouvelles, à 1 exemple des Gallois, des expressions dans la langue nationale. Défendre les avenues du langage, retenir les mots fugitifs, repousser les étrangers, ne jamais les recevoir au mépris des indigènes, ou ne les admettre qu’avec discernement, après une longue épreuve, lorsqu’ils suppléent une disette réelle et que le breton se les est incorporés, tel a été le but de Le Gonidec, en faisant l’inventaire des mots de la langue bretonne : il a

  1. Dictionnaire français-celtique. Préface, dernière page.
entouré,