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cette mère chérie fait encore couler mes larmes. Outre le bienfait de l’existence, je lui suis redevable du bienfait plus précieux peut-être de l’éducation. C’est à ses soins que je dois le développement de mon esprit et ces goûts nobles qui m’ont toujours si fort distinguée des puces vulgaires. On verra plus loin, par la reproduction d’une conversation qu’elle eut avec moi quelques heures avant sa mort, quel cachet de sagesse portaient ses instructions, et quels admirables principes de morale elle s’efforca d’inculquer à mon jeune cœur.

Ma mère avait un jugement exquis, des connaissances fort étendues, une prudence consommée qui ne lui faillit qu’une seule fois dans sa vie, un esprit pénétrant, et comme le digne couronnement de tant de précieuses qualités, une beauté rare et merveilleuse qui lui attira de bonne heure de nombreux adoraleurs ; circonstance, comme on le pense bien, qui ne rend que plus embrouillée et plus obscure la question de mon origine paternelle.

C’est ici le lieu de venger ma mère de certaines imputations dont elle a été bien gratuitement l’objet. Beaucoup de puces, jalouses de ses brillantes qualités physiques et morales, et furieuses de ne pouvoir décrier ni sa beauté, ni son esprit, s’avisèrent de l’attaquer dans ses opinions politiques. Elles prétendirent qu’après avoir été élevée généreusement par les Bourbons, ma mère les avait abandonnés dans l’infortune, et n’avait pas eu honte de se ranger parmi le personnel de la cour impériale qui s’élevait sur les débris de l’ancienne monarchie.

Je ne m’attacherai point à démontrer tout ce qu’une pareille accusation, fût-elle légitime, a de ridicule et d’absurde, attendu que, de nos jours, il est à peu près universellement reconnu, parmi l’espèce humaine, que la trahison est une