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furieuse se précipitait par l’entrée principale dans l’appartement.

Voilà comment il advint que, grâce à une puce généreuse, la royauté trompa, ce jour-là du moins, la fureur de l’anarchie.

Je demande pardon au lecteur de ce récit qui pourrait paraître un hors-d’œuvre, puisque ce ne sont pas les mémoires de mon aïeule que j’écris, mais bien les miens : toutefois, il n’est pas tout-à-fait inutile, pour donner une juste idée de la noblesse de mon origine ; d’ailleurs il peut servir, ainsi que beaucoup d’autres qu’on verra dans la suite, d’une part à réhabiliter notre espèce dans l’esprit des hommes, et de l’autre, à fournir des documents certains sur des faits relatifs à l’histoire de France de ces derniers temps, faits dont les causes, j’en suis sûre, ont été fort souvent ou complètement inconnues ou mal interprétées. — J’abandonne mon aïeule, et je passe à ceux à qui je dois directement le jour.

Je ne parlerai point de mon père, par la raison que je n’ai jamais rien su de bien précis sur son compte, ma mère, qui seule pouvait m’en donner des nouvelles certaines, s’étant toujours renfermée sur ce sujet, dans un strict et opiniâtre silence. Tout me porte à croire cependant que, sous ce rapport, je n’ai pas été moins favorisée de la nature que sous tant d’autres. Il n’est guère possible qu’une puce qui a joué un si grand rôle dans le monde ait eu un père vulgaire ; le sang ne se dément jamais, Sans doute quelque secret d’état se sera opposé à ce que l’on m’éclaircît sur ce point. Mais si j’eus le malheur d’être privée des caresses paternelles, je puis me vanter d’avoir eu la mère la plus tendre, la plus dévouée, la plus aimanie que jamais puce ait obtenue du ciel. Aujourd’hui même, après plusieurs années d’absence, le souvenir de