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seau, vous dont j’avais si bien compris le mystérieux langage ; je voudrais vivre de votre vie ; comme vous, briller, un jour, solitaire au fond du vallon ; comme vous, livrer mes parfums au ciel et mon élégante corolle au caprice des vents, ou plutôt à la main de l’enfant qui cueille la fleur, sourit et se sent vivre des joies du ciel.

Mon ami, je voudrais rêver la vie, comme on la rêve sur le sein d’une mère ; car moi aussi j’ai été enfant ; moi aussi j’ai entendu la douce voix d’une femme me disant : Mon fils, et j’ai senti qu’elle me pressait dans ses bras, et j’ai compris ses maternelles étreintes, ef j’ai deviné le ciel dans les bras de ma mère !

Ma mère, pauvre et simple femme ! Il me semble voir encore ton visage pâle et souffrant, ces traits maladifs, cet œil d’ange, fait pour voir le ciel et qui ne voulait voir que son fils. Qui donc t’avait donné ce regard si aimant et si tendre ? Où avais-tu trouvé ce gracieux sourire, ces consolantes paroles, cc geste, ce coup-d’œil, cet éloquent silence qui allait si bien à mon pauvre cœur ? Toi, ma mère, le ciel te fit simple comme les champs, naïve comme la colombe, et mille fois plus tendre qu’elle. Toute ta science à toi, c’était l’amour ; ta vie c’était encore l’amour ; et tout cet amour, ma mère, tu l’avais versé sur ton fils ; tout cet amour, il était dans un de tes regards.

Mais quoi ! les plus beaux nuages d’or ne brillent qu’un jour sur le ciel de l’homme ; les fleurs se fanent et se dessèchent bientôt sur leur triste gazon ; le ruisseau lui-même perd son onde et ses mystérieux murmures, le rossignol se fait quand s’en va le printemps ; toute lumière, toute ombre, tout céleste reflet d’un monde meilleur ne dure qu’un jour ici-bas ; les anges ne sont pas faits pour cette terre ; ma mère n’était pas faite pour moi.