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C’est peut-être une perte irréparable ; car Byron s’est écrié dans sa belle Monodie : « — Le moule qui forma Sheridan est brisé pour toujours ! ». — Ils l’ont bien senti tous ces lords, ces poètes, ces écrivains qui le 7 juillet 1816, se disputèrent l’honneur de porter un coin du drap mortuaire ! Tout ce que l’Angleterre avait de plus illustre en talent et en naissance vint déposer le tribut d’une tardive admiration sur cette poussière, pour laquelle s’ouvrait l’enceinte solennelle de Westminster. Et cependant, qu’a-t-il laissé pour sa gloire littéraire ? — C’était, il est vrai, un grand orateur ; mais ses compatriotes le considérèrent plutôt comme auteur comique. — Qu’a-t-il laissé ? Une plaisanterie ! la plus spirituelle de toutes peut-être, car elle porte sur lui-même, mais enfin une plaisanterie ! — Ne serait-ce pas ici le lieu de citer le dernier mot d’un de nos grands critiques dans un feuilleton très-élogieux sur le Don Juan d’Autriche ? — « M. Casimir Delavigne, comme on le voit, a beaucoup, prodigieusement d’esprit, mais mieux vaudrait un peu de génie ». — À l’exception de cette légère similitude, nous sommes loin de vouloir établir une comparaison : Sheridan n’était ni académicien ni poète correct.

— Dans notre première esquisse nous avons brièvement apprécié la tendance réformatrice imprimée par Hoffmann à la littérature et aux arts spiritualistes de l’Allemagne, au commencement du xixe siècle. Quelques années auparavant, Sheridan, dédaignant en quelque sorte d’user de son brillant talent, a indiqué dans le Critique la réforme qui seule arrêterait la décadence imminente de l’art comique en Angleterre ; tandis que André Chénier, au pied de l’échafaud, la gravait en vers sublimes pour la poésie française. Dans la transition, si nous osons nous exprimer ainsi, du dernier siècle au xixe siècle, trois hommes se sont donc élevés, Hoffmann, Sheridan, André Chénier, qui, tous trois différant de talent, ont peut-être reconstruit dans leur patrie les premières bases d’un mouvement littéraire et artistique plus immense et plus solide. L’Allemagne,