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ques, des chroniques coloriées à l’eau mystérieuse d’Ignace Derner ; des fantaisies incroyables, des caprices fous !

Et tout cela devint une source inépuisable de récriminations contre le génie créateur. N’en est-il pas ainsi aujourd’hui ? M. V. Hugo n’a-t-il pas été nombre de fois sommé de répondre des étranges manies de ses plus fervents admirateurs ?… Cependant cette tendance irrésistible à l’imitation des grands maîtres, qui, de tout temps, a égaré sur de fausses routes littéraires les têtes faibles et ardentes, commence depuis ces dernières années à perdre de sa force. Une pensée plus heureuse dirige les jeunes écrivains vers un but plus certain ; ils se confient avec plus de foi à leurs tendances particulières, et si la touche énergique ou harmonieuse des maîtres apparaît encore parfois dans leur style, affaiblie par sa propre exagération, du moins on aperçoit qu’ils font tous leurs efforts pour se laisser guider par le cachet qui leur est propre.

Hoffmann a donc conquis, pour ainsi dire, la place artistique qui lui est due, par les dénégations mêmes de ses détracteurs. La miraculeuse facilité de son style, la puissance de son imagination, la profondeur, la finesse et l’originalité de son esprit, le placent au premier rang des écrivains satiriques de l’Allemagne. Il s’est élevé, lorsqu’une immense pensée romanesque pénétrait incessamment dans toutes les œuvres contemporaines, et il l’a combattue par elle-même : c’était, il faut l’avouer, la plus audacieuse des ironies ! Aussi ne l’a-t-on pas compris sur l’heure ; ses contes passèrent d’abord pour de véritables contes fantastiques. Mais aujourd’hui, que des écrivains consciencieux ont pris à tâche de continuer franchement l’œuvre de son génie satirique, la génération présente l’admire et le comprend mieux de jour en jour.

Nous ne pensons pas que l’esprit enthousiaste de mélancolie outrée qui caractérise les Allemands puisse jamais être ramené aux beautés plus réelles d’une pensée sévère ; mais s’il est donné à quelqu’un de diriger la littérature actuelle vers ce