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il est vrai, mais éminemment et incontestablement moral, n’a pas été compris d’une haute et puissante intelligence, pourtant : sir Walter-Scott, l’illustre écossais, n’a su reconnaître, dans les contes fantastiques qu’une imagination déréglée et qu’un style extravagant ! Le grand romancier agit envers le grand artiste, comme ont agi les critiques anglais envers la première de leurs gloires nationales, Byron ! Celui-ci voulut peindre à la manière de Salvator, un pirate ou un chef des bandes noires. C’était nécessairement un assassin et un bandit.

Hoffmann a raconté, de son style aux mille facettes, la vie des tavernes allemandes. Hoffmann, le plus brillant et le plus fécond esprit de son époque, s’est vu accusé de mener une vie errante et à moitié sauvage. Rien de plus faux, pourtant : Hoffmann possédait encore, lors de ses dernières publications, une position élevée et honorée, ses fines ironies sur la haute société intime de ce temps, ainsi qu’une foule de notices contemporaines, prouvent que non seulement il y était accueilli, mais aussi qu’il y exerçait une influence proportionnée à la profondeur de son talent.

Néanmoins ces fausses appréciations et ces calomnies littéraires ne sauraient nuire à cet homme étrange, qu’on peut, sans nul doute, regarder comme le créateur d’une nouvelle forme de satire, la plus incisive de toutes peut-être, la satire fantastique, si l’admiration même qu’on lui a vouée n’avait égaré les jeunes littérateurs vers un but qui n’a jamais été le sien, l’effet bizarre et imprévu, non de la pensée, mais du style. Alors il est arrivé que la même exaltation que produisirent les ouvrages de Jean-Paul Richter et de Gœthe se répandit sous une autre forme dans ce monde littéraire qui, sur vingt intelligences, en compte une éclairée. De toutes parts surgirent des contes bleus, noirs et blancs, des nouvelles merveilleuses où dominaient l’esprit d’Anne Radcliffe, et le style d’Hoffmann dénaturé par l’imagination ; des histoires diaboli-