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de ses premiers contes, décèlent la portée de son originalité et le but qu’il se proposait évidemment d’atteindre ; car si Callot a stigmatisé l’homme vicieux par sa connexion avec des figures bestiales, Hoffmann a mis en présence l’homme réel et l’homme fantastique : il a été le Callot littéraire. En mettant à part le spirituel dialogue du voyageur enthousiaste et du chien Berganza, cette imitation de Cervantes qui pourrait passer pour un original en Allemagne, il n’est pas une de ses visions fantastiques qui ne contienne des trésors de complète critique ; car, on le sait, Hoffmann était un véritable artiste, poète, compositeur, peintre ; et tous, tant qu’ils étaient, poètes, peintres, compositeurs, ont passé tour à tour au creuset de son analyse. Qui mieux que lui a jamais présenté la physiologie universitaire sous son véritable jour ? Le portrait extérieur des étudiants de la fantastique ville de Kerepes, est un modèle d’ironie étincelante d’esprit et d’imagination. Qui mieux que lui a jamais peint d’un seul coup de pinceau, si profond d’intention, le pédantisme allemand personnifié dans le professeur d’histoire naturelle, Mosch Terpin ? Il suffit de lire avec attention le conte de Cinabre, pour se former une idée lumineuse de ces petites cours princières d’Allemagne, si fécondes en traits de routine gouvernementale, et dirigées par la plus absurde des étiquettes.

Ses curieux entretiens avec le docteur K*** sur l’influence physique et morale du fluide magnétique, prouvent à quel point de lucidité il a développé le système de Mesmer. L’histoire miraculeuse de l’avocat Coppelius est le sublime de l’ironie dans toutes ses parties. Vers quelques régions inconnues que son esprit s’envole, quelles que soient les merveilleuses bizarreries auxquelles se livre son imagination, toujours un sens profond et moral préside à ses créations. Nul écrivain n’a usé d’une forme plus indépendante, mais aussi nul n’a suivi plus strictement la trace d’une pensée admiratrice du seul beau et du seul vrai.

Eh bien ! le croirait-on ? Ce génie bizarre et enthousiaste,