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Kleïst, jeune poète d’une haute espérance, fut un des premiers à réaliser le dénoûment du fameux roman de Gœthe ; seulement, s’il se suicida, ce fut avec celle qu’il aimait.

Vers la fin de cette époque de fougue idéale, aux résultats malheureusement trop réels, parurent les premiers écrits d’un homme dont l’esprit original et profond devait amener une révolution morale et littéraire. Les Fantaisies à la manière de Callot dévoilèrent une imagination merveilleuse, puissamment aidée d’un style magique et entraînant. Mais ce qu’il y eut de plus admirable chez cet homme rare, c’est que possédant le même enthousiasme poétique, le portant peut-être plus loin que les plus exaltés partisans du sentimentalisme, il conçut le projet original de combattre avec l’excès de ses propres défauts l’exaltation littéraire et spiritualiste de son pays, c’est qu’il voulut faire étinceler sous mille et une figures étranges l’ironie spirituelle et mordante qui le distinguera toujours ; c’est qu’il se fit l’auteur visionnaire de contes miraculeux, et qu’il cacha la plus réelle et la plus juste des satires sous le voile prestigieux du fantastique.

S’il nous était donné de développer à notre gré cette brève esquisse du génie satirique d’Hoffmann, nous pourrions prouver que pas un seul des ridicules artistiques ou privés de son époque n’a su échapper à sa critique ; mais nous devons nous borner à une simple appréciation de son talent si original sous le double rapport de la conception et du style, comme étant à la fois la base et le voile de sa satire.

« L’ironie qui met en conflit l’homme avec la brute, pour tourner en dérision les habitudes et les façons mesquines de l’homme, est le symptôme d’un esprit profond ; et c’est ainsi que ces figures grotesques de Callot, à moitié humaines, à moitié bestiales, dévoilent à l’observateur judicieux et pénétrant toute la secrète morale qui se cache sous le masque de la scurrilité ».

— Ces lignes, extraites de la préface qu’Hoffmann mit en tête