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des deux éperons, mais inutilement, car loin d’avancer, il s’affaissa sur ses jambes de derrière, poussa un hennissement plaintif et resta couché, la tête allongée et fumante. Lord Henry se débarrassa des étriers, prit un pistolet de chaque main, les arma avec soin et attendit. Tout-à-coup, un horrible rauquement l’assourdit, les herbes de la savane s’écartèrent violemment en s’écrasant, et en moins de trois secondes, un poids énorme le renversa, deux fers rouges s’enfoncèrent dans ses épaules, un coup de pistolet partit et tout fut dit.

La nuit s’écoula. Vers quatre heures du matin un jeune Hottentot rencontra au milieu de la savane un beau cheval complètement harnaché qui errait sans maître. Il voulut s’en emparer, mais le cheval lui échappa et le conduisit à sa poursuite dans le sentier de la montagne. Là gisaient, sanglants et inanimés, un homme et un énorme tigre du Bengale. Le Hottentôt remua curieusement du pied le terrible animal, et s’aperçut qu’une balle lui était entrée dans l’œil droit pour sortir un peu au-dessous de l’oreille gauche, d’où il conclut que celui-là devait être incontestablement mort. Quant à l’homme, il le ranima avec l’eau de sa calebasse et le porta au Cap, où, en guise de remerciement, il fut attaché au service de lord Sommerset, puis reçut cent guinées et le surnom de Sylphe.

Lord Henry écrivit à miss Edith Polwis qu’un voyage indispensable l’appelait à l’île Maurice ; et il resta trois mois à se guérir complètement des rudes atteintes de son adversaire vaincu par la grâce de Dieu, Seulement, en sa qualité de vain-