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songe qu’elle avait fait un instant, et qu’elle avait chassé comme une chimère, s’accomplissait. Le bel enfant qui dormait toujours était son fils.

— Mes pressentiments ne m’avaient point trompée, reprit la camériste. J’avais jugé votre âme, Ludovic ; vous faites une belle action. Ce pauvre orphelin vous devra son bonheur. Sa mère vous l’avait confié ; sa mère, qui croyait pouvoir le posséder, elle est morte dans l’accès de la fièvre et du délire, en appelant son fils, en croyant le serrer sur son cœur, ainsi que celui qu’elle avait aimé.

Il dort, le pauvre ange ! ses yeux sont pour toujours privés de la vue de celle qui lui donna le jour. Allons, que je dépose un dernier baiser sur son front. Et la douce caresse éveilla l’enfant qui se mit à sourire et à tendre ses deux bras vers la camériste, qui, le prenant sur ses genoux, lui passa au cou une chaîne à laquelle était suspendu un médaillon.

— Conservez-lui avec soin ce témoignage de sa naissance ; car sil plaisait à Dieu, qui peut tout, de rendre à Giovanni la position qu’il devait espérer, un homme seul peut ouvrir ce bijou qui renferme le portrait de sa mère. Adieu, Ludovic ! adieu, bonne Ninetta ! adieu, seul souvenir de ma pauvre maîtresse !… Et la camériste, après avoir replace l’énfant dans son berceau, s’en retourna en maîtrisant ses sanglots, et en jetant un regard attristé sur Giovanni qui jouait avec le portrait.

Ludovic et son épouse étaient seuls ; le tailleur dit à sa femme :

— Ninetta, la Providence nous avait refusé un héritier ; sa sagesse nous procure ce que nous ne pouvions plus espérer. Mais tu sais que j’aime à m’éclairer par desages conseils : je vais aller trouver frère Ambroise ; je vais lui faire part de ce qui vient de nous arriver ; et le tailleur se rendit au couvent des Franciscains. Le supérieur allait sortir quand Ludovic se présenta à lui.

— C’est Dieu qui vous amène, Ludovic : j’allais chez vous.