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— Mes sœurs, dit l’aînée, nous voilà déjà grandes ; il est temps de nous choisir une destinée, et le jour ne doit pas finir sans que nous ayons chacune notre place dans le monde. Pour moi, ajouta-t-elle, je serais bien heureuse de quitter notre charmille, pour aller briller au bal et répandre mon parfum dans les cheveux d’une jeune fille de seize ans.

— La Vierge et les anges me préservent d’un pareil sort, dit la cadette ; ainsi que vous ma sœur, je serais bien heureuse de quitter notre charmille, mais ce serait pour aller au milieu d’un temple, et, renfermée dans un vase sacré, ne répandre mon parfum que pour Dieu seul.

— Vous voulez donc m’abandonner, dit la plus jeune en versant une larme semblable à une goutte de rosée, car je dois rester dans notre Charmille ? Je veux vivre et mourir sur la branche à qui je dois le jour. Ah ! je serais bien heureuse, si je pouvais toujours jouir de la vue de notre jardin et répandre mon parfum sur tout ce qui m’entoure.

Trois jeunes filles, trois sœurs, se tenant par la main, descendirent au jardin et accoururent à la charmille, L’aînée cueillit la première rose et rentra faire sa toilette pour le bal du soir. La cadette cueillit la seconde rose ; elle devait faire sa première communion le lendemain : elle alla la déposer sur l’autel de la Vierge. La plus jeune s’arrêta devant la troisième, la débarrassa de ses feuilles jaunies, l’abrita sous une branche, en lui disant : Ô la plus belle des fleurs, reste l’ornement de notre jardin, réjouis la vue de ma mère, et par reconnaissance, chaque soir et chaque matin, je viendrai l’arroser d’une eau fraîche et limpide.