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S’ils pouvaient t’abandonner !… Allons, je suis folle. Sa mère le délaisser ! c’est impossible. Aujourd’hui même elle doit venir avec sa suivante. Et c’est aujourd’hui que notre maison va s’attrister par ton absence. Oh ! mon pauvre petit Giovanni…

Et la bonne Ninetta se prit à pleurer, en chantant doucement une mélodie lente et monotone, qui caractérisait l’impression qui la dominait.

— Par ici, signora, ditune voix qui interrompit l’épouse de Ludovic : c’était son mari qui faisait entrer une personne qu’elle reconnut pour la camériste de la mère de Giovanni !…

— Vous êtes bien matinale, pour m’enlever mon Giovanni ; regardez, il dort ; et ce serait un crime de troubler son sommeil. Voilà l’angélus qui éveille les oiseaux, et l’enfant repose toujours jusqu’à neuf heures. Demandez à Ludovic.

— Cela est vrai, répondit le tailleur ; mais s’il faut que ces dames partent ?

La camériste semblait sous une fâcheuse impression ; et pour toute réponse, ses yeux se remplirent de larmes. (Les deux époux se régardèrent avec surprisé). Elle maîtrisa enfin le trouble qui l’agitait, ét avec l’accent de la douleur elle dit :

— J’ai de bien mauvaises nouvelles à vous apprendre : Ma maîtresse est morte !

— Morte ! Il y a deux jours qu’elle vint embrasser son fils.

— C’est une histoire bien triste et bien déplorable, mes bons amis ; et ce qui est encore plus affligéant ; c’est le sort de Giovanni. En perdant sa mère, il reste seul au monde.

— Et ses parents, sa famille, reprit Ludovic ?

— Ils ignorent son existence ; et s’ils la connaissaient, ce serait pour le maudire.

— Alors, personne n’a de droit sur lui ; dans ce cas je l’adopte.

Ninetta, en entendant parler ainsi son époux, sentit une joie bien vive animer son cœur. Ses vœux se trouvaient réalisés ; le