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lais plus triste que de coutume. Nous nous empressâmes de lui demander la cause de son chagrin. Laissez-moi : lorsque je vous aurai appris un nouveau crime, pourrez-vous y remédier ? Je ne sais quels pressentiments me tourmentaient, Je courus embrasser mon père.

— Si j’avais su, me dit-il, ce que c’était que ce métier, je n’aurais jamais consenti à la demande de Son Emminence le cardinal. J’ai été soldat ; mais bourreau… Tu sais, Léonora, ce beau jeune homme, le fils du signor Ascagnio, eh bien, cette nuit, on doit l’étrangler ! Ces tigres ne m’avaient-ils pas choisi pour ce meurtre horrible ! Oh ! si je n’avais songé à toi ! Mais le féroce Beppo n’a pas fait la moindre difficulté, le lâche. Léonora, je veux en finir avec cette profession : ma sœur habite Naples, allons la rejoindre. Son mari est pêcheur, je l’aiderai.

— Et le signor Juliano ?

— Ne m’en parle plus, ma fille : j’ai réfléchi au moyen de le sauver, et jamais…

— Eh bien ! moi je le peux ; laissez-moi agir, dis-je à mon père.

— Que Dieu t’exauce, ma fille, me dit-il,

Il faut vous dire, signor, que votre meurtrier Beppo me faisait les doux yeux. Je fus le trouver, je lui promis bien des choses que je ne tiendrai pas. Nous fixâmes notre mariage, et j’obtins votre vie. Mon père, prévenu, m’a secondée et à cette heure vous êtes hors de l’atteinte de vos ennemis, mais vous ne pourriez sans danger rester à Florence. Nous-mêmes nous quittons cette ville, venez avec nous.

En effet, la famille de Léonora m’’attendait. Je fus reçu comme un fils ; nous arrivimes à Naples, ma fortune confisquée me laissait sans ressources. Les braves gens qui m’avaient sauvé, ainsi que leur frère, redoublaient d’égards et d’attentions. La maladie vint encore me priver de ces bons amis ; nous restâmes seuls moi et Léonora.