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diait les herbes jaunies sous les ardeurs du soleil et les fraîches verdures que l’ombre avait protégées.

Giovanni put bientôt apprécier la grandeur de la tempête ; des colonnes de flammes s’élevaient dans l’espace, et les torrens grossis s’échappaient avec fureur en brisant tout ce qui leur résistait ; le vent qui les soulevait les faisaient retomber en gerbes, qu’illuminait le sauvage incendie, en continuant son ascension gigantesque. Seul avec Dieu, l’Orphelin attendait la mort, mais peu à peu le calme revint ; les sifllements aigus s’éteignirent, l’astre aux molles clartés que l’orgie des éléments avait effrayé, reparut.

L’orphelin voyant les nuages se dissiper, et la tempête à sa fin, car il n’entendait plus que les échos qui se renvoyaient faiblement les dernières rumeurs de l’orage, se décida à retourner à sa demeure ; il était au bas de la montagne lorsqu’une scène bizarre succéda au drame de la nature : des creux des rochers sortirent soudainement des êtres qui étaient loin de rassurer Giovanni ; ils vinrent se placer au centre de la vallée, et là se mettant à genoux, chantèrent pieusement un hymne à la Madone. Ce groupe avait quelque chose de surnaturel, composé d’hommes, de femmes et d’enfants ; les premiers étaient armés et portaient de brillantes carabines en bandoulière, avec une ceinture garnie de pistolets et poignards ; leurs compagnes avaient des flambeaux, des paniers qu’elles déposèrent après leur litanies ; vêtues de jupes rouges très-courtes, leurs jambes étaient entrelacées de rubans et leurs longs cheveux voltigeaient sans aucune préparation sur leurs épaules nues. À la venue de pareils personnages, l’artiste se blottit dans une petite niche, attendant l’issue de ce spectacle ; alors il vit cette société nocturne se réunir, et, se plaçant à terre, commencer un festin auquel chaque convive faisait honneur. Le premier appétit appaisé, le tumulte commença à renaître ; l’ivresse se faisait pressentir, mais l’ivresse passionnée, l’ivresse sans réserve, comme peuvent la faire des brigands ou des con-