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sur les rayons du crépuscule ; les brises enchantées ridaient la surface des eaux et les étoiles accoururent en foule au lever de leur souveraine qui paraissait à l’horizon ; tout invitait l’âme à la prière, tout annonçait une nuit calme et recueillie ; la rêverie et la solitude fermèrent les yeux de l’artiste, il s’endormit. À peine eut-il clos les paupières, que des accents célestes se firent entendre ; un autre monde s’offrait à lui ; l’Éden de l’éternité resplendissait sous ses pas, il marchait l’égal des anges et chaque essence divine lui parlait ainsi :

— Frère, veux-tu t’égarer dans ces forêts harmonieuses, où chaque feuille a une voix, où chaque arbre agité par les vents du ciel exhale un hymne d’amour, à la perle de l’aurore, à l’étoile de David ?

— Vois-tu ces fleuves limpides ? Viens avec nous, viens sur les sables diamantés : tu mêleras tes soupirs aux molles mélodies que murmurent les divins cygnes à la reine des cieux, à la mère de Jésus.

— Si tu veux me suivre, tu verras la rose inconnue, dont les parfums embaument l’éternel, dont les corolles frémissent sans cesse, sous les baisers du Très-Haut.

— Écoute, il y a une fontaine isolée où s’est désaltéré le puissant Alligheri, où viennent encore rêver Milton et cet homme de tristesse que les hommes appelèrent Zampieri Dominiquin ; arrive et tu pourras humecter tes lèvres à ses ondes pures comme le cristal.

Le rêve était à sa fin, car tout-à-coup le rire fantastique du vent, les éclats du tonnerre et la pluie qui tombait firent cesser sa bienheureuse vision. Abîmé sous les eaux, il attendait avec inquiétude la fin de l’orage… Ses regards furent éblouis, une odeur soufrée l’étouffa ; il crut que c’était sa dernière heure ! Le feu du ciel dévorait la colline opposée, et comme l’éclair dont les ailes brûlantes enflamment les poudres étoilées de l’artifice, la foudre courait, et son empreinte volcanique incen-