Page:La Variété, revue littéraire, 1840-1841.djvu/330

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 294 —

Déjà en 1440, la Conversion de Saint-Paul avait été représentée à Rome ; et l’Orfeo, du chanoine Ange Politien, donnait une nouvelle voie à l’art, l’inspirant de l’histoire profane. Un siècle après, 1540, Saint-Philippe de Néri et son ami le maître de chapelle Jean Animuccia, firent exécuter, à la Chièsa Nova, des hymnes composées à plusieurs parties, pour détourner les Romains de la passion qu’ils avaient pour l’opéra d’alors.

Cependant, ce spectacle était loin de satisfaire les hommes éclairés. Le faire des musiciens, l’école qui était en honneur, avaient des principes trop éloignés du vrai pour rendre la pensée générale. On cherchait la tragédie grecque ; on commentait Aristote, pour retrouver cet ensemble d’action, cette inspiration lyrique qui caractérisèrent les œuvres d’Euripide, Eschyle et Sophocle. Florence était heureusement là ; son puissant génie allait enfin faire raison de toutes ces parades madrigalesques, de tous les tours de force scientifiques mis en usage par la tradition. Trois seigneurs florentins, Jean Bardi, Pierre Strozzi et Giacomo Corsi, s’adjoignirent le poète Ollavio Rinuccini et le musicien Giacomi Peri. Cette association aboutit à la pastorale de Dafné, première parole de la muse des Gluck et des Beethoven. La langue musicale dramatique fit entendre dans cette œuvre son premier accent ; le récitatif moderne sorit du chaos… Ce fut en 1597 qu’eut lieu cette mémorable solennité ; de là date le grand mouvement qui retira la musique des entraves de la tradition ; de là on peut entrevoir, à travers la simplicité primitive d’un art qui naît, sa grandeur future et les destinées glorieuses qui l’attendent.

Le succès prodigieux des auteurs les encouragea, et Euridice, représentée en 1600, fixa pour quelque temps le goût du public. L’impulsion donnée par Florence portait en elle un principe trop vivace pour n’être point suivi, Rome applaudit Ariadne d’Emilio del Cavalière, et le maître de chapelle de