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Enfanta sans effort, sans gêne, sans détour,
Tes vers tout ruisselants d’harmonie et d’amour !
Viens donc, roi des amants, viens donc et sois ma muse !
Quitte un instant pour moi tes vallons de Vaucluse !
Prête-moi pour chanter ma flamme et ses transports,
Ces accents épurés, ces magiques accords,
Cette verve facile et sa riche abondance ;
Ces tours harmonieux, cette heureuse cadence
Dont ton génie habile enrichissant tes vers,
Du bruit de tes amours attendrit l’univers :
Dons précieux, hélas ! que la nature avare
Me dispense à regret et d’une main trop rare.
Mais si je cherche en vain, dans mon front attristé,
Le talent qu’en naissant je n’ai point apporté,
Si, fouillant, plein d’ardeur, dans ma tête rebelle,
Je n’y puis rencontrer une seule étincelle,
Légère fraction de ce feu créateur ;
Dis-moi, ne puis-je pas la trouver dans mon cœur ?
Si la haîne peut seule, à défaut de nature,
Brüler assez un homme, ardente nourriture ;
Pour faire que des dieux le langage sacré
Jaillisse sans effort, de son front inspiré,
Que ne fera donc pas, dans son brûlant délire,
L’amour, enfant du ciel arbitre de la lyre !

N. Mille.