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devenu pâle comme un de ces hommes de mauvaise mine qu’on appelle des poètes. Hélas ! ce temps de joie et d’espérance ne pouvait durer ! Au bout de huit jours, il fallut me lever, et la tristesse me revint avec la santé. Alors, je n’eus plus qu’un seul rêve, qu’un seul but dans la vie, ce fut de retrouver le chapeau de paille à roses blanches et à rubans cerise. Or, le lendemain de ma complète guérison, je montai à cheval et je galoppai sur le chemin de la montagne.

Je me souviens que, sur la route, je me tenais à peu près ce langage : —

« Si le soleil du paradis s’est joué doucement sur tes lèvres roses, ô mon âme ! je sais un soleil plus doux encore : le connais-tu ? —

» Si quelque ange a mis dans ton sourire un souffle plus limpide et plus parfumé que la senteur de la myrrhe, — je sais un souffle qui donne des ailes pour le ciel : le connais-tu ?

» Si la nuit éblouissante a couvert tes cheveux noirs de son ombre divine, — je sais un voile plus discret et plus beau : — le connais-tu ?

» Ce doux soleil, ce voile discret et beau, ce souffle céleste, ô mon âme, c’est l’amour ! — »

Voilà mon titre justifié, et j’en suis charmé ; car j’ai toujours trouvé du plus mauvais goût de spéculer sur un titre. Cette réflexion pourrait bien avoir un grand sens philosophique, mais je n’en déciderais pas. À peine avais-je achevé ma dernière strophe, que j’apercus venir à moi un beau manchy porté par huit esclaves. Il faisait une légère brise qui en soulevait de temps à autre le rideau de soie bleue