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entendre ; c’était aussi et comme inattendus les grelots du fou de Cromwel qui devaient bruire aux oreilles du compositeur. Eh bien ! tous ces bruits discordants, toutes ces dissonnances, Monpou les à admirablement sauvées ; mais il y a autre chose que de l’étrangeté dans ces romances si différemment jugées. Sous ces masques mystérieux qui semblent se dérober à la vie réelle, on sent bien ce quelque chose qu’on appelle l’homme.

Qu’on écoute la voix des Deux Archers, qui rient et font rire la solitude, et l’on entendra l’écho des superstitions du passé se prolonger dans le présent ; et lorsque les blasphémateurs auront fait accourir le maudit, lorsqu’ils auront troublé le sommeil du vieux saint de pierre, ne verra-t-on pas se dresser les deux grandes ombres qui partagent l’humanité, le doute et la foi ?

Mais Monpou n’a pas seulement chanté les terreurs des ténèbres. Mignon, cette perle de mélodie, prouve qu’il sait aussi le secret d’attendrir les âmes.

Concluons de tout ceci que l’inspiration lyrique, parvenue aux proportions les plus gigantesques par l’essor spontané que lui imprima Gluck, tout en continuant à rendre les hautes passions humaines, devait, en abaissant son vol, jeter un regard rapide et concis sur les souffrances individuelles du cœur.

Nous avons vu qu’elle n’avait pas manqué à cette mission ; nous ayons vu qu’après avoir mené le deuil des grandes douleurs, après avoir pleuré avec tout un peuple sur ses propres souffrances, elle a dit à la douce mélodie, elle a dit à l’indolente rêveuse : « Fille des enfants de l’Italie, quitte tes bois fleuris, abandonne tes retraites isolées où tu chantais avec la brise du soir, où tu soupirais avec les frais ruisseaux. Fée, deviens muse ; sylphide, deviens ange, élève ton vol, et tu verras l’homme, tu comprendras la vie, ce qu’elle est, non plus avec ses prismes mensongers ; mais avec son rude travail,