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il fut le contemporain, fut-il l’homme inspiré qui retrouva la flamme éteinte. La science et les musiciens de son temps le reconnurent pour tel ; mais d’où vient cependant ce manque de grande popularité ? Pourquoi, dans l’idée génénérale et dans l’admiration de tous, Palestrina ne se trouve-t-il pas auprès de Raphaël ? Est-ce ingratitude ? Sa tombe est renfermée dans l’enceinte de sa gloire ; il dort à l’ombre des vieux arceaux qui écoutèrent et écoutent encore ses prières harmonieuses ; mais ce qui fit que son nom ne passa pas le seuil de la grande église bâtie par Léon X, Raphaël et Michel-Ange, ce qui fit que sa renommée fut enfouie dans les traditions de la chapelle Sixtine, ou pis encore, dans une discussion de savants, c’est qu’il tua l’inspiration par le chiffre, c’est qu’il fit de la science et non de l’art. Le Jugement dernier, la Transfiguration rempliront d’épouvante et d’extase tous ceux qui craignent et adorent le Seigneur, Je n’oserais assurer que la Messe du pape Marcel produisit le même effet ; il faut avoir le courage de le dire, rien de vivant ne se trouve dans l’œuvre du musicien, son bon goût a fait disparaître les formules grotesques de ses devanciers, mais voilà tout. Il y a sans doute du calme et de la pureté dans ses lentes volées de notes qui se poursuivent sans cesse, sans jamais s’atteindre et que l’on appelle fugues : c’est peut-être quelque chose du lent et vague monotone crescendo de la nature. Mais ce n’est pas l’homme ; ce ne sont pas ces vœux ardents, ces soupirs étouffés, ces terreurs soudaines, qui dramatisent la prière, et qu’il y a loin de la plus belle messe de l’école de Palestrina à la sauvage et magnifique Prose des morts !

Mais les traditions subsistèrent cependant. Palestrina, qui, s’il n’avait point ému son siècle, avait dominé les musiciens, imposa son faire, et l’art marcha dans les routes nouvelles