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Lorsque par la pénsée on se transporte sur la cime la plus haute des Alpes, en 1500, et que l’on voit naître le XVIe siècle, le spectacle splendide qui s’offre à la vue étonne, éblouit, et remplit d’épouvante tout à la fois. Un astre aux sinistres clartés décroît à l’horizon, plein de lueurs étranges ; il darde encore quelques éclairs qui s’éteignent et meurent sans amener la foudre ; c’est le moyen-âge qui fuit, terrible dans son attitude. Ce géant qui s’en va semble encore memacer le monde, qu’il a si long-temps opprimé ; ce vieux barbare du Nord qui avait arraché le diadême à la Rome débauchée, est vaincu à son tour par l’antique fille des Brutus, par la divine liberté. L’autre perspective est plus consolante. Un groupe d’âmes lumineuses se détache de l’infini, limpides et pleines d’harmonies, elles vont animer des hommes qui s’appelleront Michel-Ange, Tasse, Raphaël. Les muses furent consolées, la barbarie qui enveloppait les intelligences disparut, et les nobles sœurs revinrent s’asseoir au sommet du Pinde.

Tout s’éveilla donc à je ne sais quelle grande voix qui ébranla le monde. Poésie, peinture, musique, tout changea, et notre tâche ne nous permet que d’examiner les modifications qu’éprouva la dernière de cette sublime trinité.

Sans accepter dans toute son étendue la définition du mot musique comme l’entendaient les anciens, il est toujours vrai que cette seconde parole donnée à l’homme par Dieu, a des accents qui peuvent satisfaire tous les besoins du cœur et par cela même constituer un art de sentiment. L’amour et la prière, voilà sans contredit les premiers besoins de l’âme : aussi partout où les hommes aiment et prient, ils chantent ; mais à mesure que le temps détruit la simplicité des mœurs, à mesure que d’autres exigences remplacent cette naïve en-