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pier ou tracées sur la muraille, on reconnaissait toujours cet esprit singulièrement original du bonhomme ; cette pensée philosophique qu’il suivait sans s’en douter, qu’il écoutait sans le croire, car il vous eût ri au nez si vous l’aviez appelé philosophe. Lui philosophe ? Allons donc ! Le bonhomme allait au sermon, il chômait les jours de fêtes, La Fontaine l’a dit, et il faut le croire. Heureux quand de retour au logis, il pouvait aussi fêter cette poule au pot, qu’un vieux roi de bonne mémoire souhaitait il y a plus de deux cents ans aux pauvres vilains, ses sujets, et qui même aujourd’hui vient si rarement porter la joie sous le chaume au jour du dimanche !

Je n’ai pas tout dit : le bonhomme jugeait à sa guise, comme son maître l’abbé de Saint-Pierre ; et chez lui les méchants barbouillages, portraits des hommes du jour, avaient chacun leur place ; la vertu sa place d’honnneur, et le vice son poste de honte, Que fallait-il de plus ? Les historiens font-ils donc mieux que ne faisait Grégoire dans son échoppe ? À sa droite, il plaçait Catinat, Turenne, l’abbé de Fénélon et aussi ce M. le Curé, dont le prône, au dire du poète, chagrinait souvent Grégoire, trop bonhomme toutefois pour garder rancune contre si saint personnage ; presqu’à gauche, il mettait Racine et Boileau en habit de cour ; à l’extrême gauche, se pressaient Villeroi, Letellier, Mazarin et tant d’autres ; enfin, Louis XIV lui-même au milieu d’un essaim nombreux de courtisans. On n’y voyait point le surintendant Fouquet, car, disait le bonhomme, il faut respecter le malheur.

Vous le voyez, plaisante chose que cette liberté réfugiée au dix-septième siècle dans une échoppe de savetier, et les doigts barbouillés d’ocre et de charbons, griffonnant ses arrêts sur la vieille muraille. Qui eût dit que maitre Grégoire