Page:La Variété, revue littéraire, 1840-1841.djvu/216

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 180 bis —

fus. Alors le tourmenteur fit tomber ses chaînes, et bientôt après ses vêtements ; une simple toile les remplaça, nouée à la ceinture et aux genoux. Une escabelle fut placée entre le double rang d’anneaux. Le chevalier s’y assit. Deux cordes, se rattachant au mur, étreignirent fortement ses poignets ; deux autres entrelacèrent ses pieds ; puis, glissant dans les œillets de fer qui hérissaient les dalles, demeurèrent aux mains des sergents. Soudain, chacun d’eux, imprimant à celle qu’il tenait une secousse violente, la tendit avec effort. Les membres du patient se tendirent avec elles, et le corps fut soulevé de l’escabelle. Une autre secousse, une autre encore suivirent la première ; les cordes, les muscles se tendaient toujours ; mais à une autre, plus rien ne se tendit ; seulement, lorsque, rassemblant toute leur vigueur pour un dernier effort, les robustes questionnaires pressèrent la terre de leurs pieds, en attirant vers eux le lien fatal, de sourds craquements partirent des jointures qui se disloquaient. Alors, la torsion fut jugée sufisante, et les nœuds prodigués pour la maintenir. Bientôt l’aide-juré apporta un tréteau ou chevalet plus élevé que ne l’était le corps de l’accusé, sous les reins duquel on l’introduisit à coup de maillet.

Le tourmenteur se saisit ensuite d’une corne creuse ; d’une main, il l’introduisit dans la bouche du chevalier, dont son digne accolyte soutenait la tête et comprimait les narines ; de l’autre, il y versa lentement goutte à goutte une pinte d’eau ; il en versa deux, trois, quatre : c’était la question ordinaire. Chaque injection avait été accompagnée d’une sommation et d’un refus, Pas une plainte n’était échappée au malheureux Bosrédon.

— Messire, dit l’un des commissaires, nous allons procéder à la question extraordinaire.

— Comme il vous plaira, mes maîtres ; mais vous n’en saurez pas davantage.

— Du moins, nous aurons fait selon notre devoir.